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pourraient, sur la réclamation du marguillier ou inspecteur des pauvres, renvoyer tout nouvel habitant à la paroisse sur laquelle il était légalement établi en dernier lieu, à moins que cet habitant ne tînt à loyer un bien de 10 livres de revenu annuel, ou bien qu’il ne fournît pour la décharge de la paroisse où il était actuellement résident, une caution fixée par ces juges. » C’était en réalité immobiliser la main-d’œuvre pauvre, et les précautions furent accumulées pour que les manouvriers ne pussent circuler en fraude et conquérir subrepticement le domicile. Les quarante jours de résidence nécessaires ne commencèrent à courir qu’à partir du jour où connaissance publique avait été donnée à l’église de la déclaration faite par le nouveau venu. À mesure qu’au xviiie siècle le système des manufactures se développa, exigeant un plus large déplacement de main-d’œuvre, il devint difficile et presque impossible de maintenir la législation accablante du settlement, du domicile. Et elle fut remplacée par le régime des certificats.

« Dans les huitième et neuvième années de Guillaume II, il fut statué que lorsqu’une personne aurait obtenu de la paroisse où elle avait son dernier domicile légal un certificat signé du marguillier et inspecteur des pauvres et approuvé par deux juges de paix, toute autre paroisse serait tenue de la recevoir ; qu’elle ne pourrait être renvoyée sur le simple prétexte qu’elle était dans le cas de devenir à la charge de la paroisse, mais seulement par le fait d’y être actuellement à charge, auquel cas la paroisse qui avait accordé le certificat serait tenue de rembourser tant la subsistance du pauvre que les frais de son renvoi. »

En même temps, l’acquisition du domicile était rendue plus malaisée encore qu’auparavant. Mais les certificats mêmes n’étaient pas facilement délivrés. Chaque paroisse craignait d’être exposée à des frais de secours et de rapatriement au cas où celui qu’elle aurait muni du certificat deviendrait malade. Ainsi la circulation des plus pauvres des manouvriers était extrêmement gênée. Mais il s’en faut que l’ensemble de la classe ouvrière anglaise protestât contre ces entraves. Adam Smith s’étonne de sa patience à les supporter.

« C’est, dit-il, un attentat manifeste contre la justice et la liberté naturelles, que de renvoyer un homme, qui n’est coupable d’aucun délit, de la paroisse où il choisit de demeurer ; cependant le peuple, en Angleterre, qui est si jaloux de sa liberté, mais qui, comme le peuple des autres pays, n’entend jamais bien en quoi elle consiste, est resté, déjà depuis plus d’un siècle, assujetti à cette oppression sans y chercher de remède. Quoique les gens sages se soient aussi quelquefois plaints de la loi du domicile comme d’une calamité publique, néanmoins elle n’a jamais été l’objet d’une réclamation universelle du peuple, comme celle qu’ont occasionnée les warrants généraux (mandats d’arrêt sans désignation individuelle), pratique sans contredit