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Dans une compagnie par actions, au contraire, chaque associé n’est obligé que jusqu’à concurrence de sa part d’associé.

« Le commerce d’une compagnie par actions est toujours conduit par un corps de directeurs, et, à la vérité, ce corps est souvent sujet, sous beaucoup de rapports, au contrôle de l’assemblée générale des propriétaires (des actionnaires). Mais la majeure partie de ces propriétaires ont rarement la prétention de rien entendre aux affaires de la compagnie, mais bien plutôt, quand l’esprit de faction ne vient pas à régner entre eux, tout ce qu’ils veulent, c’est de ne se donner aucun souci là-dessus, et de toucher seulement l’année ou les six mois de dividende, tels que la direction juge à propos de les leur donner, et dont ils se tiennent toujours contents. L’avantage de se trouver absolument délivré de tout embarras et de tout risque au delà d’une somme limitée, encourage beaucoup de gens (qui, sous aucun rapport, ne voudraient hasarder leur fortune dans une société particulière), à prendre part au jeu des compagnies par actions. Aussi ces sortes de compagnies attirent à elles des fonds beaucoup plus considérables que le commerce ne peut se flatter d’en réunir. Le capital de la Compagnie de la mer du Sud se trouva monter une fois à plus de 33 millions 800 mille livres sterling (plus de 700 millions de francs). Le capital, portant dividende, de la Banque d’Angleterre, monte actuellement à 10 millions 780 mille livres (environ 250 millions de francs). »

À dire vrai, c’est surtout aux entreprises de commerce étranger que s’appliquait le régime des compagnies par actions (Compagnie royale d’Afrique, Compagnie de la baie d’Hudson, Compagnie de la mer du Sud, Compagnie des Indes orientales).

« Un auteur français, très distingué par ses connaissances en économie politique, l’abbé Morellet, donne la liste de cinquante-cinq compagnies par actions qui se sont établies en divers endroits de l’Europe depuis 1600, et qui, selon lui, ont toutes failli par les vices de leur administration, quoiqu’elles eussent des privilèges exclusifs. »

Adam Smith s’efforce de limiter très étroitement l’emploi des sociétés par actions. Mais il est visible qu’elles dépassaient ces limites et qu’elles commençaient à s’appliquer aux affaires proprement industrielles, même à celles qui offraient de grands aléas.

« Les seuls genres d’affaires qu’il paraît possible, pour une compagnie par actions, de suivre avec succès, sans privilège exclusif, ce sont celles dont toutes les opérations peuvent être réduites à ce qu’on appelle une routine, ou à une telle uniformité de méthode qu’elles n’admettent que peu ou point de variation. De ce genre sont : 1o le commerce de la banque ; 2o celui des assurances contre l’incendie et contre les risques de mer et de capture en temps de guerre ; 3o l’entreprise de la construction et de l’entretien d’un canal na-