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ou d’abandonner tout à fait, le prix du charbon doit en général approcher beaucoup de ce prix.

« La rente, quand le charbon en rapporte une, compose pour l’ordinaire une plus petite portion du prix qu’elle ne le fait dans la plupart des autres productions de la terre. La rente d’un bien à la surface de la terre s’élève communément à ce qu’on suppose être le tiers du produit total, et c’est pour l’ordinaire une rente fixe et indépendante des variations accidentelles de la récolte. Dans les mines de charbon, un cinquième du produit total est une très forte rente ; un dixième est la rente ordinaire, et cette rente est rarement fixe, mais elle dépend des variations accidentelles dans le produit. Ces variations sont si fortes que, dans un pays où les propriétés foncières sont vendues à un prix modéré, au denier trente, c’est-à-dire moyennant trente années de revenus, une mine de charbon vendue au denier dix est réputée vendue à un bon prix.

« La valeur d’une mine de charbon pour son propriétaire dépend souvent autant de sa situation que de sa fécondité. Celle d’une mine métallique dépend davantage de sa fécondité et moins de sa situation. Les métaux même grossiers, et à plus forte raison les métaux précieux, quand ils sont séparés de leur gangue, ont assez de valeur pour pouvoir en général supporter les frais d’un long transport par terre, et du trajet le plus lointain par mer. Leur marché ne se borne pas aux pays voisins de la mine, mais il s’étend au monde entier. Le cuivre du Japon est un des articles du commerce de l’Europe. Le fer d’Espagne est un de ceux du commerce du Pérou et du Chili ; l’argent du Pérou s’ouvre un chemin non seulement jusqu’en Europe, mais encore de l’Europe à la Chine. Au contraire, le prix des charbons du Westmoreland et du Shrepshire ne peut influer que sur leur prix à Newcastle, et leur prix dans le Lyonnais n’exercera sur celui des premiers aucune espèce d’influence. Les produits de mines de charbon aussi distantes ne peuvent se faire concurrence l’un à l’autre. »

Évidemment, c’est à peine le début de l’industrie des mines. Le charbon de terre, la houille, n’est guère employé que pour le chauffage. Ses grands usages industriels s’annoncent à peine. Mais la houille apparaît dès lors comme un moyen de suppléer dans le chauffage le bois dévoré par les manufactures. Certes l’Angleterre était infiniment loin d’avoir et la production houillère énorme et l’immense prolétariat minier qu’elle a aujourd’hui. L’attention des économistes, des hommes d’État anglais commençait pourtant à se porter sur les ouvriers des mines, qui donnaient déjà à la classe ouvrière anglaise l’exemple des hauts salaires.

« Quand l’incertitude de l’occupation se trouve réunie à la fatigue, au désagrément et à la malpropreté de la besogne, alors elle élève quelquefois les salaires du travail le plus grossier au-dessus de ceux du métier le plus difficile. Un charbonnier des mines, qui travaille à la pièce, passe pour ga-