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mêmes une grande part d’activité et de bénéfices. Ainsi la limitation du nombre des apprentis, contrariée souvent par l’intérêt direct des corporations elles-mêmes ou empêchée par un acte du Parlement, ne fonctionnait guère qu’à titre exceptionnel, là où la production semblait avoir atteint un niveau assez constant.

Il était beaucoup plus ordinaire aux corporations de déterminer la durée de l’apprentissage, et Smith nous dit qu’elle paraît avoir été fixée anciennement, dans toute l’Europe, au terme de sept ans. Mais, ce n’était là, comme le reconnaît Smith lui-même, qu’une restriction indirecte de la liberté d’industrie. Sans doute, cette longueur de l’apprentissage semble excessive : et elle rendait l’accès de l’industrie plus malaisé. Mais d’abord, rien ne démontre qu’il n’y ait pas eu là une sorte de préjugé public, indépendant des calculs égoïstes des corporations. Il se peut très bien qu’à défaut des statuts, l’opinion et l’usage eussent imposé aux futurs « ouvriers », à ceux qui avaient l’ambition de devenir des « maîtres », un apprentissage assez long. C’était une garantie qu’à tort ou à raison le public leur eût demandée et qu’ils se seraient crus tenus à lui offrir. Dans tous les pays industriels l’habitude des longs apprentissages a survécu longtemps aux règlements corporatifs, et il ne serait pas surprenant qu’elle prévalût de nouveau.

En tout cas, si ce terme de sept ans était excessif, il n’ajoutait pas beaucoup à la durée qui aurait été fixée à ce moment en beaucoup d’industries par la seule force de la coutume. Et ceux qui s’engageaient pour arriver à la maîtrise dans ce long défilé de l’apprentissage, savaient que la dépense de temps faite d’abord par eux n’était qu’une avance, qui leur était ensuite remboursée en quelque façon par les garanties qu’ils trouvaient à leur tour dans ce régime.

Enfin, la jurisprudence avait singulièrement restreint le champ d’application des règlements sur l’apprentissage.

« Le statut de la cinquième année d’Élisabeth, appelé communément le statut des apprentis, décida que nul ne pourrait à l’avenir exercer aucun métier, profession, ou art pratiqué alors en Angleterre, à moins d’y avoir fait préalablement un apprentissage de sept années au moins ; et ce qui n’avait été jusque-là que le statut de quelques corporations particulières devint la loi générale et publique de l’Angleterre, pour tous les métiers établis dans les villes de marché ; car, quoique les termes de la loi soient très généraux et semblent renfermer sans distinction la totalité du royaume, cependant en l’interprétant, on a limité son effet aux villes de marché seulement, et on a tenu que dans les villages une même personne pouvait exercer plusieurs métiers différents, sans avoir fait un apprentissage de sept ans pour chacun. »

Cette rigueur de l’apprentissage suppose, en effet, la spécification exacte des métiers et une division du travail assez poussée. Là où, comme dans le