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contrat féodal parce qu’il empêche l’exploitation capitaliste et progressive du sol, avait été depuis longtemps écarté au profit du fermage.

« Aux cultivateurs serfs des anciens temps, dit Adam Smith dont l’œuvre est merveilleusement abondante en informations précises, succéda par degré une espèce de fermiers connus à présent en France sous le nom de métayers. On les nommait en latin coloni partiarii. Il y a si longtemps qu’ils sont hors d’usage en Angleterre, que je ne connais pas à présent de mot anglais qui les désigne. Le propriétaire leur fournissait la semence, les bestiaux et les instruments de labourage ; en un mot, tout le capital nécessaire pour pouvoir cultiver la ferme.

« Le produit se partageait par égales portions entre le propriétaire et le fermier après qu’on en avait prélevé ce qui était nécessaire à l’entretien de ce capital, qui était rendu au propriétaire quand le fermier quittait la métairie ou en était renvoyé… Cependant il ne pouvait être de l’intérêt de cette espèce de cultivateurs, de consacrer à des améliorations ultérieures aucune partie du petit capital qu’ils pouvaient épargner sur leur part du produit, parce que le seigneur, sans y rien placer de son côté, aurait également gagné sa moitié dans ce surcroît de travail. La dîme qui n’est pourtant qu’un dixième du produit, est regardée comme un très grand obstacle à l’amélioration de la culture ; par conséquent, un impôt qui s’élevait à la moitié devait y mettre une barrière absolue. Ce pouvait bien être l’intérêt du métayer de faire produire à la terre autant qu’elle pouvait rendre avec le capital fourni par le propriétaire, mais ce ne pouvait jamais être son intérêt d’y mêler quelque chose du sien propre.

« En France, où l’on dit qu’il y a cinq parties sur six, dans la totalité du royaume, qui sont encore exploitées par ce genre de cultivateurs, les propriétaires se plaignent que leurs métayers saisissent toutes les occasions d’employer leurs bestiaux de labour à faire des charrois, plutôt qu’à la culture, parce que, dans le premier cas, tout le produit qu’ils font est pour eux, et que dans l’autre, ils le font de moitié avec leur propriétaire. Cette espèce de tenanciers subsiste encore dans quelques endroits de chasse. On les appelle Tenanciers à l’arc de fer. Ces anciens tenanciers anglais qui, selon le baron Gilbert et le docteur Blackstone, doivent plutôt être regardés comme les baillis du propriétaire que comme des fermiers proprement dits, étaient vraisemblablement des tenanciers de la même espèce.

« À cette espèce de tenanciers succédèrent, quoique lentement et par degrés, les fermiers proprement dits, qui firent valoir la terre avec leur propre capital en payant au propriétaire une rente fixe. »

On reconnaît, dans ces pages d’Adam Smith, les idées générales qu’Arthur Young, lors de son voyage en France, appliquera à la culture et à la propriété françaises. Cette classe de fermiers, qui est allée toujours grandissant