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glais jouissent d’une entière liberté sur tous les points, à l’exception de leur commerce étranger. Leur liberté est égale, à tous égards, à celle de leurs concitoyens de la mère-patrie, et elle est garantie de la même manière par une assemblée de représentants du peuple qui prétend au droit exclusif d’établir des impôts pour le soutien du gouvernement colonial. L’autorité de cette assemblée tient en respect le pouvoir exécutif ; et le dernier colon, le plus suspect même, tant qu’il obéit à la loi, n’a pas la moindre chose à craindre du ressentiment du gouverneur ou de celui de tout autre officier civil ou militaire de la province. Si les Assemblées coloniales, de même que la Chambre des communes en Angleterre, ne sont pas toujours une représentation très légale du peuple, cependant elles approchent de plus près qu’elle de ce caractère, et comme le pouvoir exécutif, ou n’a pas de moyens de les corrompre, ou n’est pas dans la nécessité de le faire, à cause de l’appui que leur donne la mère-patrie, elles sont peut-être, en général, plus sous l’influence de l’opinion et de la volonté de leurs commettants. Les conseils qui dans les législatures coloniales répondent à la Chambre des pairs en Angleterre ne sont pas composés d’une noblesse héréditaire. En certaines colonies, comme dans trois des gouvernements de la nouvelle Angleterre, ces conseils ne sont pas nommés par le roi, mais ils sont élus par les représentants du peuple. Dans aucune des colonies anglaises il n’y a de noblesse héréditaire.

« Avant le commencement des troubles actuels, les assemblées coloniales avaient non seulement la puissance législative, mais même une partie du pouvoir exécutif. Dans les provinces du Connecticut et de Rhode-Island, elles élisaient le gouverneur. Dans les autres colonies, elles nommaient les officiers de finances qui levaient les taxes établies par ces assemblées respectives, devant lesquelles ces officiers étaient immédiatement responsables. Il y a donc plus d’égalité parmi les colons anglais que parmi les habitants de la mère-patrie. Leurs mœurs sont plus républicaines et leurs gouvernements, particulièrement ceux de trois des provinces de la Nouvelle-Angleterre, ont aussi jusqu’à présent été plus républicains. »

Et voilà pourquoi c’était folie au ministère anglais d’attenter à des libertés auxquelles les colons d’Amérique étaient depuis longtemps habitués et que leur rendait plus nécessaires encore leur rapide croissance. Adam Smith, écrivant en pleine guerre, parle de ces questions et des responsabilités du gouvernement de son pays avec beaucoup de réserve. Mais c’est contre toute la politique commerciale, suivie alors par les grands pays de l’Europe à l’égard de leurs colonies, qu’il s’élève. Il affirme qu’elle est aussi mauvaise pour la métropole que pour les colons. Elle dirige en effet artificiellement vers les colonies ainsi réservées une trop grande part du capital national. Elle déshabitue la mère-patrie de produire au meilleur marché possible, et par là elle l’affaiblit dans la lutte, entre les nations. Adam Smith croit que, si l’Angleterre a renoncé à pénétrer en France par ses produits, si elle l’est laissée chasser