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du contrat, il a négligé d’en conclure d’autres qui lui auraient été avantageux. Mais la réponse est bien simple ; nous aussi, de notre côté, liés par notre contrat envers lui, nous avons négligé les contrats qui nous eussent été profitables ; et en fait, nous n’en avons conclu aucun. Maintenant, nous le prévenons. Il pourra disposer de son temps à sa volonté ; nous disposerons de même du nôtre ; nous ne l’avons pas surpris ; nous sommes sur le même pied que lui. Mais ses plaintes se précisent. En ce qui touche les contrats de travail exclusifs, et le droit total ou partiel que nous lui avions reconnu sur nos propres forces, il se plaint qu’il ne recevra plus son travail tout fait, dès que le contrat aura été résilié par nous. Dès lors, il est obligé de faire plus de travail que n’en peut faire un seul homme, ou qu’en tout cas il n’en peut et n’en veut faire lui-même.

« Mais traduisons exactement ce grief ; il revient à ceci. C’est qu’il a trop de besoins pour qu’ils puissent être satisfaits par le travail d’un seul homme ; et il demande à employer pour leur satisfaction la force d’autres hommes, qui devront retrancher de leurs propres besoins tout ce qu’ils dépensent de force à contenter les siens. Qu’une pareille plainte puisse et doive être écartée, il n’y a même pas là sujet à discussion. Mais il introduit une raison plus solide pour justifier la grosse masse de ses besoins, s’il n’a pas immédiatement plus de forces qu’un autre homme, il possède le produit de plusieurs forces qui lui a peut-être été transmis comme un patrimoine par une longue suite d’aïeux ; il a plus de propriété, et pour l’utilisation de cette propriété il a besoin de la force de plusieurs hommes. Cette propriété est à lui, et doit rester à lui ; il a besoin, pour la mettre en valeur, de plusieurs forces étrangères ; c’est à lui de voir à quelles conditions il pourra disposer de ces forces. Il se produit un libre débat d’échange qui porté sur certaines parties de sa propriété et sur les forces de ceux qui sont nécessaires à la mise en œuvre de cette propriété ; et dans ce débat chacun cherche à gagner le plus qu’il peut. Il se servira de celui qui lui fait les conditions les plus douces. S’il abuse de la supériorité qu’il a sur l’opprimé dans les jours de misère, il est exposé aussi à l’inconvénient de voir celui-ci rompre le marché aussitôt que la misère la plus pressante est passée. S’il lui a fait des conditions équitables et favorables, il aura cet avantage que les contrats dureront. Mais alors, si chacun évalue son travail au plus haut prix, le propriétaire, loueur d’ouvrages, ne peut plus utiliser sa propriété aussi bien qu’auparavant et la propriété diminuera considérablement. — Cela peut bien arriver ; mais qu’est-ce que cela nous fait ? De ses domaines qui s’étalent au soleil nous ne lui avons pas pris l’épaisseur d’un cheveu ; nous n’avons pas pris un denier de son pur argent. Nous ne le pouvions pas. Mais nous pouvions rompre un contrat avec lui, qui nous paraissait désavantageux et cela nous l’avons fait. Si son bien patrimonial est diminué par là, c’est donc qu’auparavant il a été accru par l’application de nos forces et nos forces ne sont pas son patrimoine. Et