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Vous savez que la garnison a juré d’immoler le premier qui proposerait de se rendre. Une partie du peuple va se porter aux frontières, une autre va creuser des retranchements, et la troisième avec des piques défendra l’intérieur de nos villes.

« Paris va seconder ces grands efforts. Les commissaires de la Commune vont proclamer d’une manière solennelle l’invitation aux citoyens de s’armer et de marcher pour la défense de la patrie. C’est en ce moment, Messieurs, que vous pouvez déclarer que la capitale a bien mérité de la France entière. C’est en ce moment que l’Assemblée nationale va devenir un véritable comité de guerre.

« Nous demandons que vous concouriez avec nous à diriger ce mouvement sublime du peuple en nommant des commissaires qui nous seconderont dans ces grandes mesures.

« Nous demandons que quiconque refusera de servir de sa personne, ou de remettre ses armes soit puni de mort. (Applaudissements.)

« Nous demandons qu’il soit fait une instruction aux citoyens pour diriger leurs mouvements. Nous demandons qu’il soit envoyé des courriers dans les départements, pour les avertir des décrets que vous aurez rendus.

« Le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les ennemis de la patrie. (Vifs applaudissements.)

« Pour les vaincre, Messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace et la France est sauvée. »

Ce tocsin d’alarme annoncé par Danton, c’est la Commune qui, en sa séance du matin avait décidé de le sonner. Et je me demande si Danton n’avait pas craint qu’il éveillât au cœur de Paris des pensées lugubres et funestes. Il me semble que sa phrase sur le tocsin n’est pas seulement une merveilleuse image : il cherche à épurer la sonnerie terrible et triste qui va sonner sur Paris de ce qu’elle pouvait avoir d’inquiétant et d’énervant, pour ne lui laisser que son accent héroïque.

C’est vers trois heures que le canon du Pont-Neuf donna le signal d’alarme que répétèrent toutes les cloches de Paris. Le tocsin souleva jusqu’au délire le patriotisme de la capitale. Les citoyens saisissaient leurs armes, sortaient en hâte de leurs maisons, lisaient les affiches placardées par la Commune, et en groupes incessamment grossis, se dirigeaient vers le Champ-de-Mars pour s’y enrôler, pour y recevoir s’il le fallait l’ordre de marcher tout de suite. Magnifique mouvement de tout un peuple ! Mais voici que pendant que tous ces flots pressés allaient vers la grande plaine, des propos terribles commencent à circuler dans les groupes.

« Quoi ! nous partons, et demain, quand nous aurons quitté Paris pour aller à la frontière, quand il ne restera plus ici un patriote, les ennemis de la liberté feront la loi dans la capitale. Ne savez-vous pas qu’un scélérat exécuté hier a annoncé qu’un grand complot se préparait dans les prisons ? Oui, dans