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maintenant on peut dire que la patrie est sauvée. Depuis plusieurs jours, l’ennemi faisait des progrès et nous n’avions qu’une crainte, c’est que les citoyens de Paris se montrassent, par un zèle mal entendu, plus occupés à faire des motions et des pétitions qu’à repousser les ennemis extérieurs. Aujourd’hui, ils ont connu les vrais dangers de la patrie, nous ne craignons plus rien. (Applaudissements.) Il paraît que le plan de nos ennemis est de se porter sur Paris, en laissant derrière eux les places fortes et nos armées : Or cette marche sera de leur part la plus insigne folie, et pour nous le projet le plus salutaire, si Paris exécute les grands projets qu’il a conçus.

« En effet, quand les hordes étrangères s’avanceront, nos armées qui ne sont pas assez fortes pour attaquer, le seront assez pour les suivre, les harceler, leur couper les communications avec les armées extérieures. Et si, à un point déterminé, nous leur présentons tout à coup un front redoutable, si la brave armée parisienne les prend en tête, lorsqu’elles seront cernées par les bataillons qui les auront suivies, c’est alors qu’elles seront dévorées par cette terre qu’elles auront profanée de leur marche sacrilège. Mais, au milieu de ces flatteuses espérances, il est une réflexion qu’il ne faut pas se dissimuler. Nos ennemis ont un grand moyen sur lequel ils comptent beaucoup, c’est celui des terreurs paniques. Ils sèment l’or ; ils envoient des émissaires pour exagérer les faits, répandre au loin l’alarme et la consternation, et, vous le savez, il est des hommes pétris d’un limon si fangeux, qu’ils se décomposent à l’idée du moindre danger.

« Je voudrais qu’on pût signaler cette espèce à figure humaine et sans âme ; en réunir tous les individus dans la même ville, à Longwy, par exemple, qu’on appellerait la ville des lâches (applaudissements), et là, devenu l’opprobre de la nature, leur rassemblement délivrerait les bons citoyens d’une peste bien funeste d’hommes qui sèment partout des idées de découragement, suspendent les élans du patriotisme, qui prennent des nains pour des géants, la poussière qui vole devant une compagnie de hulans pour des bataillons armés, et désespèrent toujours du salut de la patrie. (Nouveaux applaudissements.) Que Paris déploie donc aujourd’hui une grande énergie, qu’il résiste à ces terreurs paniques, et la victoire couronnera bientôt nos efforts. Hommes du 14 juillet et du 10 août, c’est vous que j’invoque, oui, l’Assemblée peut compter sur votre courage.

« Cependant, pourquoi les retranchements du camp sous les remparts de cette cité ne sont-ils pas plus avancés ? Où sont les bêches, les pioches et tous les instruments qui ont élevé l’autel de la Fédération et nivelé le Champ-de-Mars ? Vous avez manifesté une grande ardeur pour ces fêtes ; sans doute vous n’en aurez pas moins pour les combats ; vous avez chanté, célébré la liberté ; il faut la défendre. Nous n’avons plus à renverser des rois de bronze, mais des rois environnés d’armées puissantes. Je demande que la Commune de Paris concerte avec le pouvoir exécutif les mesures qu’elle est dans l’inten-