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souligne) comme l’organisation du pouvoir révolutionnaire universel. Les grands principes de liberté et de politique développés par le rapporteur ont fait d’autant plus d’impression qu’il les a exposés avec cette entraînante naïveté, cette simplicité énergique qui caractérisent l’orateur de la nature, lorsqu’il n’est pas corrompu et qu’il ne cherche pas à corrompre. »

L’animation de Cambon contre Robespierre et la Commune de Paris lui valait, à ce moment, les sympathies fleuries de la Gironde. Oui, c’est l’organisation du pouvoir révolutionnaire universel, et cela est grand. Mais c’est aussi, c’est surtout l’extension à l’univers du pouvoir révolutionnaire de la France ; et la Révolution obligée de suppléer par la force à l’insuffisante préparation des peuples risque de se heurter à des résistances stupides ou de blesser des susceptibilités nobles et de sublimes fiertés nationales. La Gironde, bien loin de pressentir ce danger, renchérit sur le plan de Cambon.

Buzot, préoccupé sans doute de démontrer aux Montagnards qu’il était plus « révolutionnaire » qu’eux, s’écrie qu’il ne suffit pas d’exiger des nouveaux administrateurs le serment à la liberté et à l’égalité et la renonciation de leurs privilèges. Les serments peuvent être éludés :

« Je demande que toutes les personnes qui auront rempli les places dans les administrations anciennes n’en puissent obtenir de nouvelles ; je voudrais même qu’on étendît cette exclusion à tous les individus ci-devant nobles ou membres de quelque corporation ci-devant privilégiée » (Applaudissements sur un grand nombre de bancs et murmures sur quelques autres).

Real protesta : « La proposition de Buzot, s’écria-t-il, tendrait à créer chez ces peuples deux partis et à y allumer la guerre civile. »

Le dantoniste Basire s’élève aussi contre la motion de Buzot, au nom de la souveraineté des peuples qui doivent être pleinement libres dans leur choix. La Gironde le hue. Barbaroux s’écrie :

« Je demande que Basire soit entendu, car il sera curieux de voir comment il défendra la noblesse et le clergé. »

Les Montagnards avaient des scrupules. Ils se demandaient si la France avait le droit de gêner ainsi et de ligotter, pour mieux les affranchir, la souveraineté des autres peuples. Ils s’inquiétaient aussi des suites que pourrait avoir cette intransigeance révolutionnaire. Moins grisés que les Girondins de propagande belliqueuse, ils craignaient d’irriter les nations. Par une contradiction étrange et qu’explique seul le plus déplorable esprit de parti, la Gironde qui, à ce moment même, semblait hésiter à frapper le roi par peur de généraliser la guerre, couvrait d’invectives les paroles de prudence prononcées par les Montagnards. Brissot dit lourdement dans son Patriote Français du 17 décembre :

« L’amendement de Buzot, vivement applaudi, était décrété, lorsque Bazire, Chabot, Charlier, soutenus d’une vingtaine de membres de la même faction, s’élèvent et poussent contre le décret rendu et en faveur de l’aristo-