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c’est la conquête, le patriotisme européen tend à se confondre avec la contre-révolution. Les Conventionnels acceptèrent sans peur ces hasards redoutable. Et ils eurent du moins la grandeur de ne pas voiler par des expédients hypocrites la dictature française qu’ils annonçaient au monde incapable de se libérer. Ils auraient pu constituer en chaque pays des comités de parade, qui auraient été les instruments pseudo-nationaux de la France. Ils ne voulurent pas de ces procédés détournés. C’est au grand jour que la France devait assumer la responsabilité universelle de la liberté. Et ils proclament bien haut que c’est la France qui va gouverner.

« Vos comités ont cru qu’en réclamant la destruction des autorités existantes, il fallait que, de suite, les peuples fussent convoqués en assemblées primaires, et qu’ils nommassent des administrateurs et des juges provisoires pour faire exécuter les lois relatives à la propriété et à la sûreté des personnes. Ils ont cru, en même temps, que ces administrations provisoires pouvaient nous être utiles sous plusieurs autres rapports. En rentrant dans un pays, quel doit être notre premier soin ? C’est de conserver au peuple souverain les biens que nous appelons nationaux, et qui, dans toute l’Europe, ont été usurpés par des privilégiés. Il faut donc mettre sous la sauvegarde de la nation les biens, meubles et immeubles, appartenant au fisc, aux princes, à leurs fauteurs et adhérents, à leurs satellites volontaires, aux communautés laïques et ecclésiastiques, à tous les complices de la tyrannie. (Applaudissements.) Et pour qu’on ne se méprenne pas sur les intentions pures et franches de la République française, vos comités ne vous proposent pas de nommer des administrateurs particuliers pour l’administration et régie de ces biens, mais d’en confier le soin à ceux qui seront nommés par le peuple. Nous ne prenons rien, nous conservons tout pour les frais indispensables pour une révolution.

« Nous savons qu’en accordant cette confiance aux administrateurs provisoires, vous aurez le droit d’en exclure tous les ennemis de la République qui tenteraient de s’y introduire. Nous proposons donc que personne ne puisse être admis à voter pour l’organisation des administrations provisoires, si l’élu ne prête serment à la liberté et à l’égalité, et s’il ne renonce par écrit à tous les privilèges et prérogatives dont il pouvait avoir joui. (Vifs applaudissements.) Ces précautions prises, vos comités ont pensé qu’il ne fallait pas encore abandonner un peuple peu accoutumé à la liberté absolument à lui-même ; qu’il fallait l’aider de nos conseils, fraterniser avec lui : en conséquence, il a pensé que, dès que les administrations provisoires seraient nommées, la Convention devait leur envoyer des commissaires tirés de son sein, pour entretenir avec elles des rapports de fraternité. Cette mesure ne serait pas suffisante ; les représentants du peuple sont inviolables, ils ne doivent jamais exécuter. Il faudra donc nommer des exécuteurs. Vos comités ont pensé que le conseil exécutif devait envoyer, de son côté, des commissaires nationaux qui se concerteront avec les administrateurs pour la défense du pays nouvellement af-