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qui le demanderont, en se conformant aux lois antérieures au 10 du présent mois. — Les municipalités sont autorisées à désarmer tous les citoyens suspects, et à distribuer leurs armes à ceux qui se destineront à la défense de la liberté et de l’égalité. — Tout citoyen chez lequel il serait trouvé des armes cachées dont il n’aurait pas fait la déclaration sera par le fait regardé comme suspect et ses armes confisquées. »

Le décret fut exécuté rapidement et bientôt à Paris les barrières s’ouvrirent. Chose curieuse, au moment où Paris se rouvrait ainsi à la France dans l’intérêt du commerce et des échanges, au moment où l’Assemblée, en restituant Paris à la vie nationale, semblait mettre un terme à la vie étroitement révolutionnaire de la Commune, cet événement si naturel, si explicable suggérait au loin aux amis de la famille royale les hypothèses les plus extravagantes. Fersen écrit au baron de Breteuil le 3 septembre : « Les opinions sur ce qui a déterminé à ouvrir les barrières de Paris et à laisser sortir sans passeport sont différents ; celle qui me paraît la plus générale est que les scélérats ont voulu se ménager par là un moyen de se sauver, et que nous les verrons un beau jour abandonner Paris à l’anarchie la plus complète. »

Quelle singulière méprise ! C’est pour pouvoir plus aisément fuir à l’approche de l’étranger que les révolutionnaires parisiens font tomber les barrières ! Et c’est sur les conseils de Danton !

Cependant l’ennemi investissait Verdun. Choudieu annonçait à l’Assemblée que par deux lettres le commandant de la garnison, Beaurepaire, lui donnait l’assurance qu’il mourrait plutôt que de livrer la place.

Mais l’Assemblée anxieuse se demandait si la ville, mal fortifiée, mal défendue par une population où les éléments aristocratiques et royalistes étaient puissants, ne capitulerait pas comme Longwy. Le 1er septembre au soir, un courrier apporte la nouvelle à l’Assemblée que Verdun a reçu du duc de Brunswick sommation de se rendre. La ville tient encore ; mais d’une part, la réponse faite par elle à cette sommation n’est pas dans le pli porté par le courrier, signe d’un désordre extrême et d’une crise imminente. D’autre part, le pli contient une proclamation du conseil défensif de Verdun qui menace tous ceux qui, dans la ville, « violeraient les propriétés », et l’on devine que le peuple soupçonneux, redoutant la trahison d’une partie de la bourgeoisie feuillantine et royaliste, s’est soulevé et surveille les maisons des riches habitants. Qui ne pressentirait une catastrophe prochaine ?

Or, Verdun pris avant que de Sedan Dumouriez ait pu envoyer des renforts, c’est la route de Paris ouverte ; pour la première fois, la Révolution sent pour ainsi dire au visage l’haleine des chevaux prussiens. Et cette grande convulsion nationale dont Danton avait parlé soulève la grande cité. Qu’elle se défende, car l’ennemi sera implacable. Comment épargnerait-il les patriotes, quand il s’apprête à frapper à mort les modérés, les Feuillants eux-mêmes ? C’est toute la Révolution qu’il veut déraciner. Quand Fersen apprend que Barnave est