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de son sein et tout ce qui peut lui servir doit être mis à la disposition des municipalités, sauf à indemniser les propriétaires. Le pouvoir exécutif va nommer des commissaires pour aller exercer dans les départements l’influence de l’opinion. Il a pensé que vous deviez en nommer aussi pour les accompagner afin que la réunion des représentants des deux pouvoirs produise un effet plus salutaire et plus prompt. Nous vous proposons de déclarer que chaque municipalité sera autorisée à prendre l’élite des hommes bien équipés qu’elle possède. On a jusqu’à ce moment fermé les portes de la capitale, et on a eu raison. Il était important de se saisir des traîtres ; mais y en eût-il 30.000 à arrêter, il faut qu’ils soient arrêtés demain, et que demain Paris communique avec la France entière. Nous demandons que vous nous autorisiez à faire faire des visites domiciliaires. Il doit y avoir dans Paris 80.000 fusils en état : eh bien ! il faut que ceux qui sont armés volent aux frontières. Comment des peuples qui ont conquis la liberté l’ont-ils exercée ? Ils ont volé à l’ennemi et ne l’ont point attendu. Que dirait la France si Paris, dans la stupeur, attendait l’arrivée des ennemis ? Le peuple français a voulu être libre, il le sera. Bientôt des forces nombreuses seront rendues ici. On mettra à la disposition des municipalités tout ce qui sera nécessaire, en prenant l’engagement d’indemniser les possesseurs. Tout appartient à la patrie, quand la patrie est en danger. »

C’était un grand et large souffle. Danton avait cette méthode souveraine d’emporter, de noyer les difficultés, les rivalités et les haines dans le torrent de l’action. Il ne récrimine pas, il ne discute pas. Il n’oppose pas l’Assemblée à la Commune et la Commune à l’Assemblée ; il ne dresse pas comme Roland un cahier de griefs et de doléances. Il appelle toutes les énergies au salut de la patrie et de la liberté, et c’est en les tournant toutes vers ce but sublime qu’il espère les réconcilier sans leur parler même de leurs querelles. Il sait en des paroles à la fois ardentes et calculées exalter les passions les plus généreuses et ménager les intérêts inquiets.

Tout devient à l’heure du péril le patrimoine de la patrie ; mais les citoyens seront indemnisés de tout ce que la patrie aura saisi dans leurs mains pour sa défense. Et quelle est sa manière de mettre un terme à ce qu’il y avait d’arbitraire et d’irrégulier dans le pouvoir de la Commune ? Ce n’est pas de gronder et de chicaner. Il se proclame le ministre « révolutionnaire » et il rattache ainsi son pouvoir au même événement d’où la Commune révolutionnaire est sortie. Il la couvre du titre même dont il se réclame, et il paraît ainsi confondre sa cause avec la cause de la Commune. Mais en même temps il invite l’Assemblée à agir, à nommer des commissaires qui iront dans toute la France assister les commissaires du pouvoir exécutif.

N’est-ce point par cette vigueur d’action que l’Assemblée rétablira à son profit l’équilibre des pouvoirs sans que la Commune puisse se plaindre ? Enfin Paris, à s’isoler, à vivre enfermé dans le cercle de défiance et de prohi-