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colie, peut-être, pour les esprits mieux préparés aux joies profondes et douces de l’attente infinie qu’aux joies nettes et brusques de l’action ! Ce n’est pas toujours sans regret qu’ils souffleront sur ces flambeaux d’attente, pâlis par la lumière brutale du matin.

La République.
Image contre-révolutionnaire.
(D’après un document du Musée Carnavalet.)


C’est pourtant d’une vue admirablement nette et pénétrante que Kant saisit tout le mouvement humain, et son enthousiasme est grave, patient et fort. Il a concilié le plus haut idéalisme moral avec ce qu’on peut appeler le réalisme ou le naturalisme historique le plus précis. Est-il possible de construire une science du mouvement humain, une histoire de l’humanité ? Oui, car c’est la loi de l’esprit humain de ramener à un système et à un plan même le désordre et le chaos des faits innombrables et confus ; et si la nature se prête, dans ses manifestations inorganiques ou animales, à ce besoin de l’esprit, pourquoi ne s’y prêterait-elle point dans les manifestations sociales de l’activité humaine ? Aussi bien, quelle que soit la source profonde de l’action humaine et quelque opinion métaphysique que l’on ait sur la liberté de l’homme, les actes par lesquels la volonté humaine s’affirme sont, dans leur multiplicité, soumis à des lois. La statistique des mariages, des naissances et de tous les actes où intervient la volonté, atteste par la régularité et la suite relative des résultats la présence secrète des lois dans l’apparent chaos humain.