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calme désespérant. » L’ironie dut être cruelle aux hommes de la Commune, et un feu de colère et de vengeance brûlait leur cœur.

Le bruit courut bientôt pourtant, comme le note le Patriote Français, que la Législative avait retiré son décret de dissolution. Ce n’était pas tout à fait vrai, mais le décret qui réglait l’organisation de la Commune nouvelle avait été modifié. Et le décret nouveau ménageait infiniment plus l’amour-propre blessé de la Commune révolutionnaire. Il décidait qu’au lieu de deux commissaires, chaque section pourrait en nommer six au Conseil général de la Commune ; et il précisait que « les commissaires en exercice à la Maison commune de Paris, depuis le 10 août dernier, seraient membres du Conseil général de la Commune, à moins qu’ils n’aient été remplacés par leurs sections ».

Ainsi la Commune révolutionnaire était comme enveloppée par une vaste Commune légale ; le Conseil général de la Commune de Paris devait être porté à 288 membres, non compris les officiers municipaux, le maire, le procureur de la Commune et ses substituts. Mais elle était comme réinvestie en bloc, sauf décision contraire des sections. En outre, l’Assemblée déclarait que si le nombre des membres du Conseil général de la Commune était ainsi accru c’était pour que celui-ci pût parer à tous les travaux, à tous les services que le péril de la patrie allait lui imposer.

Thuriot qui cherchait à guérir les blessures et à maintenir le grand rôle révolutionnaire de Paris tout en brisant les velléités dictatoriales de la Commune, avait rédigé en ce sens de large conciliation patriotique les considérants du nouveau décret.

Mais malgré cet effort d’apaisement tenté par les plus nobles des représentants du pays, par ceux qui étaient purs de la vanité frivole et ambitieuse de la Gironde, comme du despotique orgueil de la Commune, d’âpres ferments de discorde, de défiance et de haine subsistaient entre la Commune et l’Assemblée. Et les cœurs étaient déchirés par la rivalité et le soupçon au moment même où grandissait le péril de la patrie. Depuis que Merlin, le 17 août, avait annoncé l’investissement de Thionville, le lourd nuage de l’invasion avait marché pesamment de l’est à l’ouest : Le 20 août, c’est Longwy, « la porte de fer de la France », qui est investie.

Le 23 août, Merlin de Thionville monta de nouveau à la tribune pour dénoncer les violences, les actes de barbarie des hordes étrangères, et de nouveau il fit la proposition terrible de retenir en otages les femmes et enfants des émigrés. « Trois lettres m’annoncent que le fléau de la guerre désole nos campagnes, que les satellites des tyrans, le fer et le feu chassent devant eux les malheureux habitants du département de la Moselle. Ces hordes de barbares, ces Prussiens, sont commandés par nos compatriotes, par des Français rebelles. L’un d’eux, le sieur Bertrandé, actuellement au service de la Prusse, signale son passage par le pillage et les assassinats. Je