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cours ambigu. D’une part, il déclara que le Conseil général de la Commune avait été trop loin dans la voie des concessions lorsque, deux jours avant, il avait rouvert les portes des comités, comités des subsistances et autres, aux administrateurs qui siégeaient avant le 10 août. Robespierre demanda qu’ils fussent soumis, dans la section, à un scrutin épuratoire. Mais, d’autre part, quand il eut bien sévèrement dénoncé les manœuvres dirigées contre le Conseil général de la Commune, quand il eut justifié et glorifié celui-ci, il conclut qu’il fallait obéir au décret de l’Assemblée.

Le peuple n’était pas corrompu, il n’était pas intimidé. Il saurait donc rendre justice à ceux qui avaient lutté pour lui, et il n’y avait aucun danger à accepter des élections nouvelles, à remettre au peuple le pouvoir qu’on tenait de lui.

Ah ! comme Robespierre, pendant qu’il parlait ainsi, dut sentir s’envenimer en son cœur la haine contre la Gironde qui, en frappant la Commune, croyait détruire un de ses moyens d’influence, et qui l’obligeait en ce moment ou à se jeter dans toutes les témérités de l’insurrection, ou à s’exposer, dans une Commune effervescente, au reproche de modérantisme !

Pour la première fois depuis le 10 août, Robespierre ne fut pas écouté. La Commune rendit hommage à ses principes. Elle décida l’impression de son discours, qui était une justification éloquente de tous les actes de la Commune révolutionnaire ; mais elle refusa de se dissoudre. Manuel, son procureur, rappela au Conseil « le serment qu’il avait fait de mourir à son poste et de ne point l’abandonner que la patrie ne soit plus en danger ». Le conseil de la Commune arrêta qu’il continuerait ses fonctions. C’était l’insurrection déclarée : mais elle était impuissante. La veille, c’est-à-dire au moment même où un grand mouvement de foule aurait été nécessaire pour appuyer la protestation de Tallien, le peuple, en somme, n’avait pas bougé.

Les Girondins qui avaient pu redouter un moment, par les propos menaçants de la séance de la Commune du 30 août, une journée révolutionnaire contre l’Assemblée, sentirent vite que Paris laissait faire. Le journal de Brissot, avec un accent de triomphe à peine tempéré par son habituelle réserve doctrinaire, constate l’impuissance de la Commune :

« Les commissaires primaires de la Commune sont venus signifier à la barre une espèce d’appel au peuple contre la loi qui met un terme à leurs fonctions. Cette demande, qui a semblé vigoureuse et hardie à quelques patriotes, était au contraire une grande preuve de la faiblesse de tous les partis qui voudraient s’élever contre le pouvoir des représentants du peuple français, du seul et indivisible souverain. D’après la séance du Conseil général provisoire de jeudi, il est évident qu’il ne se serait pas borné à une simple apparition à la barre, s’il eût été soutenu par le peuple. Mais, quoique les aides de camp agitateurs fussent en campagne, le peuple a été d’un