Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mune elle-même un pouvoir extra-légal et éternel. Choudieu, dans ses notes, observe à ce sujet :

« Ce n’était de la part de Manuel qu’une pure subtilité, car il n’y avait aucune contradiction à déclarer d’abord que la Commune provisoire avait bien mérité de la patrie au 10 août et jours suivants, et à vouloir ensuite qu’elle cessât d’exercer des fonctions qui n’étaient que provisoires et qui, par l’extension qu’elle leur donnait, pouvaient devenir dangereuse.

Le président Delacroix répondit avec fermeté et hauteur :

« Toutes les autorités constituées dérivent de la même source. La loi, dont elles émanent, a fixé leurs devoirs. La formation de la Commune provisoire de Paris est contraire aux lois existantes ; elle est l’effet d’une crise extraordinaire et nécessaire. Mais quand ces périlleuses circonstances sont passées, l’autorité provisoire doit cesser avec elles.

« Voudriez-vous, Messieurs, déshonorer notre belle Révolution en donnant à tout l’Empire le scandale d’une Commune rebelle à la volonté générale, à la loi ? Paris est une grande cité qui, par sa population et les nombreux établissements nationaux qu’elle renferme, réunit le plus d’avantages ; et que dirait la France si cette belle cité, investissant un conseil provisoire d’une autorité dictatoriale, voulait s’isoler du reste de l’Empire ; si elle voulait se soustraire aux lois communes à tous, et lutter d’autorité avec l’Assemblée nationale ? Mais Paris ne donnera point cet exemple. Un décret a été rendu hier. L’Assemblée nationale a rempli son devoir, vous remplirez le vôtre. »

Un rassemblement, peu nombreux d’ailleurs, attendait aux portes de l’Assemblée. Il n’était guère menaçant, mais en quelques individus pourtant des signes d’exaltation sombre apparaissaient. Des citoyens, admis à la barre, exprimèrent la crainte que les délégués de la Commune fussent en péril dans l’Assemblée :

« Nous venons, au nom du peuple qui attend à la porte, demander de défiler dans la salle pour voir les représentants de la Commune qui sont ici. Nous mourrons, s’il le faut, avec eux. » Prodigieux soupçon, et où se marque la fièvre croissante des esprits. Manuel fit arrêter les pétitionnaires.

L’embarras de Robespierre était grand. Il avait la haine de la Gironde, et la Commune était pour lui un appui nécessaire ; mais il avait le goût très vif de la légalité, et il ne voulait pas se laisser entraîner à la résistance ouverte aux décrets, aux lois de l’Assemblée par qui, malgré tout, s’exprimait le souverain. Il sentait d’ailleurs que le peuple de Paris n’était point unanime, et que Pétion, qui boudait, pouvait porter à la Commune un coup très sensible si elle s’exposait par une démarche imprudente et illégale à un désaveu.

En cet embarras, Robespierre prononça le 1er septembre, au Conseil général de la Commune, rassemblé sous la présidence de Huguenin, un dis-