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chassé les moines et les religieuses, pour mettre en vente les maisons qu’ils occupaient ; nous avons proscrit les journaux incendiaires : ils corrompaient l’opinion publique. Nous avons fait des visites domiciliaires : qui nous les avait ordonnées ? Vous.

« Les armes saisies chez les gens suspects, nous vous les apporterons pour les remettre entre les mains des défenseurs de la patrie ; nous avons fait arrêter les prêtres perturbateurs, ils sont enfermés dans une maison particulière : et sous peu de jours le sol de la liberté sera purgé (par la déportation) de leur présence. On nous a accusés d’avoir désorganisé l’administration, et notamment celle des subsistances : mais à qui la faute ? Les administrateurs eux-mêmes, où étaient-ils dans les jours de péril ? La plupart n’ont point encore reparu à la Maison commune.

« La section des Lombards est venue réclamer contre nous dans votre sein ; mais le vœu d’une seule section n’anéantira point celui d’une majorité très prononcée des autres sections de Paris. Hier les citoyens, dans nos tribunes, nous ont encore reconnus pour leurs représentants ; ils nous ont juré qu’ils nous conservaient leur confiance. Si vous nous frappez, frappez donc aussi ce peuple qui a fait la Révolution du 14 juillet, qui l’a consolidée le 10 août, et qui la maintiendra. Il est maintenant en assemblées primaires, il exerce sa souveraineté ; consultez-le, et qu’il prononce sur notre sort. Les hommes du 10 août ne veulent que la justice et qu’obéir à la volonté du peuple. »

Les tribunes applaudirent. Le plaidoyer était vigoureux et adroit. Et en vérité on ne pouvait répondre à la Commune que ceci : Vous n’êtes pas l’expression légale de la souveraineté, vous êtes l’expression et comme le prolongement d’un événement révolutionnaire. Or, la secousse, la vibration de cet événement ne peut retentir à jamais sur l’ordre politique, et il vient une heure où à la force révolutionnaire spontanée, épuisée peu à peu par ses effets mêmes, doit se substituer le fonctionnement régulier du système social.

La nation n’était tenue, envers la Commune révolutionnaire de Paris, qu’à maintenir la conquête du 10 août et à affirmer la démocratie. Or, les Montagnards eux-mêmes avaient le sentiment que la nation tout entière était prête à cette grande œuvre. Et dès lors, peu à peu, la Commune pouvait et devait rentrer dans le rang. Son procureur Manuel ajouta ceci aux paroles de Tallien :

« L’Assemblée nationale a rendu hier deux décrets : par le premier, elle casse la Commune provisoire ; par le second, elle déclare que cette Commune a bien mérité de la patrie : les commissaires ont à se plaindre ou de l’un, ou de l’autre. »

Non, et l’alternative de Manuel n’était point impérieuse. Il était possible de glorifier l’action révolutionnaire de la Commune sans faire de la Com-