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Et en apprenant la perte de son dessert « la femme du vertueux Roland s’arrachait de rage ses cheveux postiches ». (Article cité par M. Dauban, qui remarque avec raison que les articles d’Hébert ne sont pas toujours faciles à trouver ; même la collection de la Bibliothèque nationale n’est pas tout à fait complète.)

Hélas ! au moment où je transcris ces lignes, je sens déjà venir sur Mme Roland l’ombre tragique de la mort, je vois rayonner son courage, et il me semble qu’à reproduire ces grossières injures il y a comme une profanation. Mais l’histoire humaine est un grand fleuve mêlé et trouble. Je n’ai pas le droit de choisir. Et je dis encore, avec une croissante tristesse, que la femme héroïque et infatuée qu’Hébert outrage bassement a fait à la Révolution et à ses propres amis un mal immense. C’est d’une source de vérité profonde que jaillit le ruisseau fangeux du Père Duchesne. Girondins brillants, égoïstes et frivoles, que je vous en veux d’avoir fait un moment la force d’Hébert, et détourné vers lui le cœur du peuple, sevré par vos fautes de toute noble sympathie ! Quelle tristesse que ce débat où les insultés sont coupables et où l’insulteur est abject !

Dans le no 202, Hébert insiste (vers la fin de décembre) :

« Nous avons détruit la royauté et, foutre, nous laissons s’élever à la place une autre tyrannie plus odieuse encore. La tendre moitié du vertueux Roland mène aujourd’hui la France à la lisière, comme les Pompadour et les du Barry. Brissot est le grand écuyer de cette nouvelle reine ; Louvet, son chambellan ; Buzot, le grand chancelier ; Fauchet, son aumônier ; Barbaroux, son capitaine des gardes, que Marat appelle mouchard ; Vergniaud, le grand maître des cérémonies ; Guadet, son échanson ; Lanthenas, l’introducteur. Telle est, foutre, aujourd’hui, la nouvelle cour qui fait maintenant la pluie et le beau temps dans la Convention et les départements.

« Elle se tient tous les soirs, à l’heure des chauves-souris, dans le même lieu où Antoinette manigançait une Saint-Barthélémy avec le Comité autrichien. Comme la ci-devant reine, madame Coco, étendue sur un sopha, entourée de tous ses beaux esprits, raisonne à perte de vue sur la guerre, la politique, les subsistances. C’est dans ce tripot que se fabriquent toutes les affiches. »

Dans le no 204, le Père Duchesne met en scène Brissot parlant à Buzot :

« Pour toi, mon cher Buzot, tu aurais été bougrement buse de rester simplement honnête homme, conviens-en. Après l’Assemblée constituante, tu t’en es allé dans ton département, chargé de gloire et léger d’argent. Il a fallu reprendre le train de vie d’un petit avocat de campagne, et tu as été réduit à manger des pommes de terre. Devenu Conventionnel, tu n’as pas manqué cette occasion de devenir un grand personnage. Conviens qu’il est beau de servir de bras droit à un homme tel que moi. Je t’ai faufilé parmi les beaux esprits qui gouvernent la France ; sans moi, tu ne serais pas chéri des adorateurs de