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morale avec les meurtriers. Ainsi peu à peu s’élargissait autour d’elle le désert.

Les élections pour la municipalité de Paris, qui eurent lieu en décembre, furent pour les Girondins un désastre. Il est bien vrai que le maire Chambon n’est pas un Montagnard, et le journal de Brissot, qui n’avait plus le droit de se montrer difficile, célèbre bruyamment ce succès.

« Le résultat du ballottage entre Chambon et Lhuillier a donné 7.558 voix au premier et 3.906 au dernier. (Comme on votait peu ! comme le peuple s’empressait encore médiocrement à faire usage du droit de vote récemment conquis !) Voilà donc enfin le patriote Chambon maire de Paris, malgré les clameurs et les intrigues des anarchistes. Ce triomphe des vrais républicains, l’énorme majorité qui l’a assuré doivent prouver aux départements que le règne des factieux passe même à Paris, et que la réunion des gens de bien parviendra à sauver cette ville et la république. Les anarchistes, tant fripons que dupes, ne sont que trois mille neuf cent six ! Car on ne doit pas ignorer qu’ils avaient mis toutes leurs forces en campagne ; il n’y avait pas de séance aux Jacobins le jour des scrutins, et il faut dire, parce que c’est la vérité, parce que c’est une consolation pour les gens de bien, que sur ce nombre de votants celui de fripons est infiniment petit.

« Républicains de Paris, ne vous reposez pas après cet effort momentané ; opposez aux faux patriotes, aux royalistes déguisés une fermeté soutenue ; c’est à ce prix qu’est la liberté. Vous avez encore d’importantes élections à faire. Le zèle d’un maire vertueux serait impuissant s’il n’était secondé par des collègues à la fois patriotes et éclairés. Le premier choix que vous aurez à faire est celui d’un procureur de la Commune. Cette place demande un homme qui joigne la fermeté aux lumières et à l’amour des lois. Nous croyons que Réal répond à ce caractère. »

Oui, mais à cet appel du journal girondin, qui est du 2 décembre, les électeurs parisiens répondent dès le 9 en donnant la majorité relative à Chaumette Anaxagoras : Chaumette, le secrétaire de Danton à la section du Théâtre-Français, le fougueux enthousiaste de la Commune révolutionnaire, « un des aigles de la Commune du 2 septembre », dit le Patriote français. Et il l’emporte décidément quelques jours après ; le 22 décembre, Hébert, le Père Duchesne, est nommé substitut, et Chambon débordé, impuissant, sera réduit bientôt à se démettre. Pendant que le crédit de la Gironde baisse dans la Convention, pendant que Roland perd peu à peu toute influence sur le ministère, Paris va résolument aux ennemis les plus vigoureux de la Gironde.

Dans le peuple, les diatribes d’Hébert contre Roland, tantôt grossières et bassement démagogiques, tantôt pénétrantes et aiguës, ont un succès croissant. Par ses dîners politiques, que la presse populaire pouvait trop aisément transformer en orgies, par ses perpétuelles jérémiades, le ménage Roland prêtait de plus en plus à la moquerie, à la satire insultante ou fine. Hébert