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saisit l’Assemblée législative d’une plainte contre l’acte « arbitraire » de la Commune. L’Assemblée législative manda immédiatement devant elle le conseil général de la Commune qui ne vint pas, et elle cassa, le 31 août, comme contraire à la liberté individuelle, l’arrêté contre Girey-Dupré. Enfin, Roland, tout dévoué à la Gironde, se plaignit, le 30 août, que la Commune en s’emparant de tous les pouvoirs, les désorganisât.

« Je m’étais procuré la note exacte des subsistances qui se trouvent dans la capitale, et j’avais pris des arrangements avec le comité des subsistances de la Ville de Paris ; mais ce comité, en qui je mettais toute ma confiance, vient d’être cassé par les représentants provisoires de la Commune, ainsi que le sieur Cousin qui en était le chef. Tous ses travaux sont suspendus par cette désorganisation et dans cet état de choses je ne réponds plus de l’approvisionnement de Paris. »

Il semble qu’avec un peu de bon vouloir ces conflits administratifs auraient été aisément réglés. Mais, en réalité, c’était un grand conflit politique qui se développait. Roland ajouta : « Je suis chargé par l’Assemblée, sous ma responsabilité, de la conservation des effets déposés dans le garde-meuble. J’ai nommé pour inspecteur de ce dépôt national, M. Reston, homme honnête et très estimé dans les arts. Il vient de se plaindre qu’on avait enlevé du garde-meuble un petit canon garni en argent, et porté sur le catalogue des effets dont il est responsable. Il m’annonce que la même personne a enlevé des papiers dont je ne connais pas l’importance. » Roland, méticuleux et boudeur, aggravait par son humeur chagrine des difficultés que peut-être un esprit plus délié et plus tolérant aurait aisément résolues. Mais la Gironde voulait en finir.

Une partie de la population de Paris était lasse de l’activité un peu inquiète, irrégulière et menaçante de la Commune. Et à la Législative, les Montagnards eux-mêmes commençaient à s’irriter. En humiliant l’Assemblée, la Commune les humiliait. De plus, avec leur grand sens révolutionnaire de l’unité nationale, de la concentration des pouvoirs, ils craignaient que l’action déréglée de la Commune de Paris ne compromît l’unité d’effort et de combat. Très habilement, la Gironde laissa la parole aux Montagnards irrités. Thuriot, qui avait d’admirables accents d’humanité, mais qui ne voulait pas faire le jeu de la Gironde, défendit un peu la Commune. Mais Choudieu et Cambon marchèrent à fond. Cambon s’écria : « Il est important pour fixer l’Assemblée, qu’elle se fasse représenter les pouvoirs qui ont été donnés à ces municipaux provisoires par le peuple : car s’ils n’en ont pas, ce sont des usurpateurs ; ils doivent être punis comme tels. »

Choudieu commente lui-même, dans ses notes, son intervention : « Je portai la parole après M. Cambon et dis : « Il est temps d’appeler l’attention du Corps législatif sur la conduite de la municipalité actuelle de Paris. Tout en reconnaissant qu’elle a rendu de grands services dans la nuit du 9