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Voilà sur quoi Louvet appuyait son fameux : « Je t’accuse » Et sur l’autre fait, à propos duquel Robespierre, le 20 octobre, avait été comme submergé par l’indignation tumultueuse de la Gironde :

« Lacroix vous a dit que dans le coin du côté gauche, je l’avais menacé du tocsin. Lacroix, sans doute, s’était trompé. (Murmures.) Il n’y a aucune raison de m’interrompre, car il n’y en a pas même de ma part pour nier le fait s’il était exact. Mais, je le répète, Lacroix s’est trompé, et il était possible de confondre ou d’oublier les circonstances dont j’ai aussi des témoins, même dans cette assemblée, et parmi les membres du Corps législatif. Je vais les rappeler ; je me souviens très bien que dans ce coin dont j’ai parlé, j’entendis certains propos qui me parurent assez feuillantins, assez peu dignes des circonstances où nous étions, entre autres celui-ci qui s’adressait à la Commune : Que ne faites-vous résonner le tocsin ? C’est à ce propos, ou à un autre pareil, que je répondis : « Les sonneurs de tocsin sont ceux qui cherchent à aigrir les esprits par l’injustice. » Je me rappelle encore qu’alors un de mes collègues, moins patient que moi, dans un mouvement d’humeur, tint, en effet, un propos semblable à celui qu’on m’avait attribué, et d’autres m’ont entendu moi-même le lui reprocher. »

Regnaud : « J’atteste le fait que vient de dénoncer Robespierre. »

À l’examen donc, tout ce qu’il y avait d’un peu positif dans le discours accusateur s’évanouissait. Robespierre marqua la distance qui le séparait de Marat, il défendit nettement tous les actes de la Commune :

« Ne nous a-t-on pas accusés d’avoir envoyé, de concert avec le conseil exécutif, des commissaires dans plusieurs départements, pour propager nos principes, et les déterminer à s’unir aux Parisiens contre l’ennemi commun. Quelle idée s’est-on formée de la dernière Révolution ? La chute du trône paraissait-elle donc si facile avant le succès ? Ne s’agissait-il que de faire un coup de main sur les Tuileries ? Ne fallait-il pas anéantir dans toute la France le parti des tyrans, et par conséquent, communiquer à tous les départements la commotion salutaire qui venait d’électriser Paris ! Et comment ce soin pouvait-il ne pas regarder ces mêmes magistrats qui avaient appelé le peuple à l’insurrection ? Il s’agissait du salut public ; il y allait de leurs têtes ! Et on leur a fait un crime d’avoir envoyé des commissaires aux autres communes, pour les engager à avancer, à consolider leur ouvrage ? Que dis-je ! la calomnie a poursuivi ces commissaires eux-mêmes. Quelques-uns ont été jetés dans les fers. Le feuillantisme ou l’ignorance a calculé le degré de chaleur de leur style ; il a mesuré toutes leurs démarches avec le compas constitutionnel, pour trouver le prétexte de travestir les missionnaires de la Révolution en incendiaires, en ennemis de l’ordre public…

« Citoyens, voulez-vous une Révolution sans révolution ?

« Quel est cet esprit de persécution qui est venu reviser, pour ainsi dire, celle qui a brisé nos fers ? Mais comment peut-on soumettre à un jugement