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champ électoral parisien. Elle sentit la force du coup, et elle songea aussitôt à frapper la Commune. Le journal de Brissot, le Patriote français, dit le 29 août : « Les pouvoirs institués pour donner à la machine politique un mouvement révolutionnaire doivent cesser avec ce mouvement, parce ces pouvoirs ne peuvent être qu’une dictature ; et qu’une longue dictature, qu’une dictature même de plusieurs jours, ne peut être que le tombeau de la liberté. Tant que les commissaires provisoires de la Commune de Paris ne se sont occupés que de diriger la révolution du 10, que de poursuivre des conspirateurs et de surveiller ceux qui pouvaient être accusés de l’être, les patriotes ont vu sans inquiétude des pouvoirs qui, éclos par la fermentation, doivent finir avec elle et s’abîmer dans la souveraineté du peuple ; mais dès qu’on a vu ces commissaires prolonger leur autorité dictatoriale, usurper les droits de la Commune, dissoudre et recréer les administrations qu’elle seule pouvait recréer et dissoudre, se partager des places qu’elle seule pouvait remplir, suspendre des magistrats nommés et chéris par le peuple, exercer enfin des actes que les circonstances mêmes ne pouvaient justifier, alors les bons citoyens ont ouvert enfin les yeux ; ils ont vu qu’ils n’avaient pas conquis deux fois la liberté pour la livrer à des intrigants, et qu’ils ne devaient pas élever sur les ruines du despotisme royal et patricien un despotisme plus dur et plus haineux. »

C’était la guerre à fond. Le lendemain, le Patriote français insiste : « Il est impossible de faire rentrer dans les limites des lois le pouvoir qu’on a mis momentanément au-dessus des lois pour sauver la patrie ; la tendance naturelle de tout pouvoir le pousse à l’usurpation ; qu’on juge s’il est facile de le faire renoncer à ce que la force des circonstances ou un vœu temporaire ont pu y ajouter. Quiconque a réfléchi sur la nature de l’autorité et sur les lois éternelles d’après lesquelles tout marche dans l’ordre moral a dû prévoir que la commission dictatoriale de la Commune de Paris, indispensable dans les premiers moments de la révolution du 10, utile plusieurs jours après, finirait par être dangereuse, en proportion même des services qu’elle aurait rendus, parce qu’il était évident qu’elle prolongerait les moyens révolutionnaires au delà du moment de crise qui les avait nécessités. »

Le ton est modéré et le tour du raisonnement est habile. Mais la conclusion est tranchante. Il n’est pas possible de ramener dans les limites légales le pouvoir révolutionnaire de la Commune. Il faut donc l’abolir. La Gironde, en ces derniers jours d’août, lui porta plusieurs coups. D’abord, quelques sections modérées, la section des Lombards, celle de la Halle au Blé retirèrent leurs commissaires à la Commune, et firent ainsi une brèche à la municipalité provisoire.

Puis, la Commune ayant traduit à sa barre le journaliste ami de Brissot, Girey-Dupré, pour avoir à rendre compte de ses attaques contre le conseil général de la Commune, Girey-Dupré résista par une lettre vigoureuse. Et il