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toyens à chercher un asile dans un sombre caveau pour se mettre à couvert du fer des brigands qui semblaient un corps de militaires égarés par des chefs perfides ; tandis que sa maison est menacée des flammes par une foule de ces militaires pris de vin ! »

Pauvre agneau bêlant sous le couteau : et comme il oublie aisément qu’il a sans cesse aiguisé les poignards ! Mais en cette débâcle de l’égorgeur gémissant et tremblant qui s’attendrit sur lui-même, quel crime à la Gironde d’avoir grossi le personnage, et même de n’avoir pas tenté, en ces jours de gloire où la générosité était facile, de l’apaiser un peu !

Elle chercha, pour rétablir son crédit ébranlé par ses agitations vaines et ses violences factices, à frapper un coup décisif. C’est le 23 octobre qu’elle essaya à écraser Marat, mais surtout Robespierre. C’est par un mémoire de Roland, acrimonieux et emphatique, que s’engagea la bataille. Écoutez avec quelle solennité prétentieuse et quelle affectation presque niaise d’héroïsme Roland introduit son mémoire :

« C’est le tableau de la situation de Paris que je viens présenter à la Convention, conformément au décret qui me l’ordonne. Si ma poitrine était aussi forte que mon courage, je lirais moi-même ce mémoire. »

C’est un des secrétaires, Lanjuinais, qui le lut. Ce n’était qu’un tissu de déclamations contre Paris. Il mêle les plus futiles griefs administratifs aux plus véhémentes accusations, et il revient à satiété sur les actes irréguliers de la Commune révolutionnaire, comme s’il n’eût pas suffi du tranquille exercice de l’autorité de la Convention pour ramener peu à peu l’ordre et la régularité partout.

« Lorsque j’observe que les fédérés qui arrivent à Paris, et dont jusqu’à présent la loi avait confié le soin à la Commune, sont mal logés, mal traités, souvent envoyés chez moi pour y avoir des emplacements, des lits, comme si j’eusse été chargé de ces objets, tandis qu’ils étaient à la disposition de la Commune, laquelle semblait avoir dessein de les laisser souffrir et de leur persuader que ces souffrances, qu’il doit tenir à elle de faire cesser, étaient l’ouvrage du ministère (quand on voit tous les efforts de la Commune pour trouver des approvisionnements et des armes, l’insinuation de Roland apparaît insensée) ; lorsque, fournissant des matelats ou des lits pour les casernes, je n’obtiens aucun compte de ces objets et j’apprends qu’ils disparaissent… ; lorsque j’apprends en même temps les fausses inculpations répandues contre les hommes publics qui réunissent au caractère quelques talents et se sont fait connaître par leur intégrité ; lorsqu’enfin les principes de la révolte et du carnage sont hautement professés, applaudis dans des assemblées et que des clameurs s’élèvent contre la Convention elle-même… je ne puis plus douter que des partisans de l’ancien régime, ou de faux amis du peuple, cachant leur extravagance ou leur scélératesse sous un masque de patriotisme, n’aient conçu le plan d’un renversement dans lequel ils espèrent s’élever sur des