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vique. Et parce que quelques-uns réduits postérieurement à se montrer patriotes, auront fait quelques dispositions salutaires et pris quelques avantages sur l’ennemi, hors d’état de se défendre, on criera au miracle, on fera retentir les airs de leurs exploits, de leur loyauté, de leurs vertus civiques…

« Ce ne sont ni nos ministres, ni nos généraux, ce sont les événements, c’est la nature, c’est le civisme des soldats de la patrie qui ont combattu pour elle. L’astuce perfide de Poniatowsky, l’insurrection des Polonais et la décrépitude de Catherine nous ont débarrassés des hordes féroces de la Russie.

« Aukalstrom nous a débarrassés de Gustave et de ses Suédois.

« La voracité, l’ivrognerie, le flux de sang nous a débarrassés des Autrichiens et des Prussiens. Voilà la cause première de nos triomphes.

« Il s’agit de cerner les Prussiens et les Autrichiens, de leur couper toute retraite, et de les passer au fil de l’épée s’ils refusent de mettre bas les armes. Il s’agit aussi de mettre la Belgique en pleine insurrection. C’est là où j’attends Dumouriez, pour devenir son apologiste. Déjà, la Savoie, Genève, Neufchâtel et les cantons suisses aristocrates vont secouer le joug. La sainte épidémie de la liberté gagne partout de proche en proche : c’est elle qui nous délivrera bientôt de tous nos ennemis, en renversant les trônes des despotes, en faisant disparaître la servitude, en peuplant la terre d’hommes libres, en y faisant régner la justice et la paix. »

Il était inique de n’accorder aucune part, dans le succès de la campagne de l’Argonne, aux qualités personnelles de Dumouriez, à sa vivacité, à sa souplesse, à sa confiance. Mais le ton est sans âpreté, et même, à la fin, la défiance et l’amertume se fondent dans une sorte d’espérance universelle. Marat va jusqu’à louer Custine, non, il est vrai, sans dénigrer indirectement Dumouriez :

« Jamais les applaudissements n’ont été plus bruyants qu’après la lecture de la lettre de Custine ; l’allégresse était fondée, ce sont là les premiers avantages marqués des armes françaises sur nos ennemis. » (no du 6.)

Étrange parti pris qui met la prise de Spire au-dessus de Valmy ! Et comme le « prophète » avait parfois l’esprit médiocre et court ! Mais ce n’est pas d’un furieux. À ce qu’il dit de l’armée du Rhin et de ses succès il ne mêle aucune goutte de fiel. Je doute pourtant que même en « ces premiers rayons de la gloire » républicaine dont l’âme d’un Vauvenargues eût été pénétrée, et qui éblouissaient l’âme inconstante de la Gironde, Marat ait éprouvé une de ces minutes de joie pleine et profonde où la pauvre humanité oublie le poids du destin. C’est le châtiment de ces esprits vaniteux et amers.

Marat approuve (no du 10 octobre) les actes de rigueur par lesquels Custine a rétabli la discipline dans son armée et puni les soldats coupables de pillage.

« Le général les a fait arrêter chargés de butin, les volontaires eux-mêmes les ont dénoncés, ils ont été fusillés sur-le-champ (le journal, par une de ces