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la minute même où il sent le plus vivement la nécessité de l’union, la frivolité coupable et meurtrière des querelles et des haines, c’est Danton qu’il soutient. C’est à un avis de Danton qu’il se rallie.

Acculés par l’offensive de la Gironde, les Jacobins prirent nettement position contre elle. Ils sommèrent Brissot de venir défendre les passages de son journal où il diffamait systématiquement la Commune de Paris et où il dénonçait l’existence à la Convention d’un parti désorganisateur. Brissot n’ayant pas répondu, les Jacobins prononcèrent son exclusion, dans la séance du 12 octobre, par un ordre du jour longuement motivé. De plus, convaincus que si les Girondins animaient les indignations et les colères contre les journées de septembre, ce n’était point pour frapper Marat seul, mais pour atteindre toute la députation de Paris et Paris même, ils se décidèrent à publier un plaidoyer atténué et habile. Peu à peu les Girondins obligeaient une partie de la démocratie à paraître se solidariser à demi avec Marat, à accepter, au nom du peuple, une plus large part de responsabilité dans les événements de septembre que peut-être il ne convenait. Ainsi, c’est devant tout le bloc de la démocratie parisienne que la Gironde allait se trouver.

Quand Couthon eut prononcé aux Jacobins le discours que j’ai cité, et où il déplorait l’existence à la Convention de deux partis, et quand il fut question d’envoyer ce discours aux sociétés affiliées, des objections se produisirent. Bentabole, Chabot, Tallien, Desmoulins, déclarèrent qu’il n’y avait pas à la Convention un parti des têtes exaltées, qu’à supposer que Marat put être justement accusé d’exaltation, il était seul et que cela ne formait point un parti. Ainsi l’instinct de conservation révolutionnaire avertissait les Jacobins de ne pas dépenser leurs coups, de ne pas frapper en même temps à droite et à gauche et de porter tout leur effort contre « les intrigants », c’est-à-dire contre la Gironde. Hardiment, et en hommes qui sentent que les Girondins, si redoutables d’abord, s’usent vite et se perdent, ils couvrent et glorifient en tous ses actes le peuple de Paris. Dans la circulaire qu’ils lancent le 15 octobre, ils parlent nettement du 2 septembre dont « la faction et le ministre de l’intérieur » veulent tirer parti contre Paris.

« Voici ce qui se passa à cette époque : les ennemis avaient entamé notre territoire et s’avançaient sur Paris. La Commune de Paris, sur le rapport du patriote Manuel, et voyant que la législature, loin de prendre des mesures dictées par des circonstances aussi impérieuses, recevait avec aigreur les moyens de salut public qu’on lui présentait, prit la résolution, après l’avoir annoncé à tout Paris, de faire tirer le canon d’alarme et sonner le tocsin, pendant que les officiers municipaux proclameraient, dans Paris, l’imminence du danger. Trente mille hommes, quelques heures après, se présentèrent au Champ de la Fédération et s’y enrôlèrent pour aller combattre l’ennemi. Ce bel enthousiasme fut toujours croissant et fut en même temps suivi par tous les départements. Ces nombreuses armées assurèrent le salut de la République.