Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/402

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’ils avaient un moment exercée, retenaient quelques habitudes hautaines de langage ; mais ils n’osaient pas engager la lutte contre l’Assemblée souveraine en qui toute la force révolutionnaire de la nation était légalement concentrée. Et comme quelques murmures accueillaient, à la Convention, la lecture de l’arrêté du Théâtre Français, Vergniaud, d’esprit plus large que la plupart des Girondins et d’âme moins puérilement batailleuse, rappela les plus échauffés au bon sens : « Je ne pense pas que nous puissions conclure des termes de cet arrêté, que la section qui l’a pris soit en état de rébellion ouverte à la loi. Il y est dit que, sur l’invitation de la section du Marais, elle se propose de vous présenter une pétition pour vous engager à décréter le scrutin à haute voix ; mais elle dit ensuite qu’elle se soumettra provisoirement à la loi. Je crois que, dans l’état présent des choses, le président et le secrétaire qui ont signé cet arrêté doivent être mandés à la barre. » Momoro démontra sans peine, le lendemain, que la section avait, dans l’élection du maire, observé la loi. Il assura qu’elle le ferait à l’avenir, et cet incident fut clos, malgré les efforts du président girondin Delacroix pour l’envenimer, par un décret de la Convention qui admettait Momoro et Peyre aux honneurs de la séance, et qui passait à l’ordre du jour sur l’arrêté de la section du Théâtre Français, par ce motif « que la loi avait été exécutée dans l’élection du maire, et le serait dans les autres élections ».

Ainsi s’affirmait la force tranquille de la Convention qui aurait peu à peu ramené aux conditions de la vie normale et sous la règle des lois toutes les forces un peu effervescentes que le grand mouvement du 10 août avait suscitées.

Mais écoutez le cri de rage qu’à propos de cet incident pousse le funeste Buzot, aigre interprète des rancunes du ménage Roland contre Paris : « Je ne sais, dit-il le 12 et sans tenir compte du rappel à la sagesse de Vergniaud, je ne sais si vous ne devez pas plus de pitié que de colère à ces hommes qui s’élèvent contre vos décrets ; je les appelle des hommes, car ils n’ont plus le titre de citoyens ceux qui cessent de reconnaître les lois de la République ; mais il est bien étonnant qu’une partie de cette ville, qui devrait environner de sa confiance et protéger contre les ennemis intérieurs la Convention nationale, soit prête à se mettre en insurrection contre elle. Vous en tirerez sans doute l’induction nécessaire que, puisque les 82 autres départements vous ont seuls conservé toute leur confiance, vous devez les avoir ici. »

Vraiment on dirait une gageure de guerre civile, un parti pris de suicide. Quoi ! à cause de l’arrêté d’une section de Paris, qui d’ailleurs s’était soumise à la loi, il faut que la Convention constate officiellement qu’elle ne peut plus compter sur Paris pour la défendre et pour défendre en elle la Révolution ! Il faut qu’elle oppose ouvertement, criminellement, la France à Paris, et que cette garde départementale, annoncée d’abord comme le lien vivant de toutes les forces de la patrie, soit maintenant une menace pour la capitale, une pré-