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les choix les plus conformes au vœu de la Commune. La Convention exige que le scrutin soit secret. Plusieurs sections protestent. Celle de la Butte des Moulins proclame, le 5 octobre, que le « scrutin à haute voix est seul digne des hommes libres et républicains ». Le 7 octobre, la section du Marais vote à haute voix ; la section de la Fontaine de Grenelle prie la Convention de rapporter le décret qui interdit les élections à haute voix.

La section des Gravilliers formule à la barre le même vœu et elle déclare « qu’elle ne souffrira pas que le despotisme sénatorial remplace le despotisme monarchique ». Chose curieuse : tandis qu’aujourd’hui, en période calme et légale, les prolétaires tiennent surtout à assurer le secret absolu du vote, condition de leur pleine liberté, à la fin de 1792 la Commune de Paris semble voir dans le vote à haute voix un des moyens de « dictature du prolétariat », pour parler le langage de Marx. Même quelques-unes de ces sections tentèrent d’organiser une action collective. Le 6 octobre, la section du Panthéon envoie une députation à celle de l’Arsenal, lui demandant de désigner deux délégués qui, réunis à ceux des autres sections, formeront un club à l’Évêché et discuteront sur les nominations à faire, sans doute aussi sur le mode de ces nominations (voir Mellié). C’est la première idée, c’est le germe du club de l’Évêché. Mais que pouvait cette agitation contre la puissance intacte, contre l’autorité immense de la Convention ? Elle était unanime, de Marat à Cambon et aux Girondins, à maintenir le scrutin secret, à exiger des sections et de la Commune l’application de la loi ; et nul n’eût osé s’insurger contre elle. Même les plus ardents sectionnaires, comme Momoro, hésitent à violer la légalité et à défier la Convention. La section du Théâtre Français, dite de Marseille, communique à la Convention, le 12 octobre, avec les signatures de son président Momoro et de son secrétaire Peyre, sa délibération du 6 :

« Sur l’invitation faite par la section des Marais de nommer deux commissaires, pour, de concert avec un pareil nombre de commissaires qui seraient nommés par les 47 autres sections, rédiger une adresse à la Convention nationale, à l’effet de l’engager à décréter le scrutin à haute voix et par appel nominal pour toutes élections, l’Assemblée considérant que la Convention nationale ayant établi elle-même le mode de ses élections par appel nominal et la section du Théâtre Français n’ayant fait que se conformer à ce mode qu’elle doit croire le meilleur possible, elle doit persister dans ses arrêtés à cet égard ; en conséquence, elle arrête qu’elle se réserve, s’il a été porté quelque décret contraire, de prendre tel autre arrêté que sa sagesse lui dictera contre un pareil décret, déclarant néanmoins qu’elle exécutera provisoirement ce même droit lorsqu’il lui aura été officiellement notifié. » En somme, et avec quelques rodomontades assez vaines et inoffensives, c’était la soumission à la loi, l’obéissance à la Convention.

Les hommes de la Commune, enivrés de la toute-puissance révolutionnaire