Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/400

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et de la souveraineté du peuple n’ont eu plus besoin de se rallier. Il ne faut pas se le dissimuler, il existe à la Convention deux partis, et croyez-en un vieux, quoique jeune républicain, il y a un parti de gens à principes exagérés dont les moyens faibles tendent à l’anarchie ; il y en a un autre de gens fins, subtils, intrigants et surtout extrêmement ambitieux ; ils veulent la République, ceux-ci ; ils la veulent parce que l’opinion publique s’est expliquée ; mais ils veulent l’aristocratie, ils veulent se perpétuer dans leur influence, avoir à leur disposition les places, les emplois, surtout les trésors de la République, et déjà n’en avons-nous pas des milliers de preuves ? Voyez les places, elles coulent toutes de cette faction. Voyez la composition du Comité de Constitution, c’est là surtout ce qui m’a dessillé les yeux. C’est sur cette faction, qui ne veut la liberté que pour elle, qu’il faut tomber à bras raccourcis. Pour cela, citoyens, il faut que les hommes véritablement purs, probes, en forment la résolution bien ferme, et puis se réunissent, où ? Ici, pour en concerter les moyens… La première mesure à prendre, c’est d’arrêter le projet de la prétendue garde de sûreté de la Convention nationale, projet que la Commission n’a proposé que pour de bonnes raisons. Dans le premier moment, je l’ai adopté moi-même, ce projet, parce que je pensais qu’il amènerait un lien de fraternité de plus entre les départements, et qu’il tendrait à consacrer l’unité de la République. Mais la composition du Comité de Constitution m’a ouvert les yeux ; je ne vois plus dans ce projet que le dessein de former un noyau de forces. À la vérité, on ne demande à présent que quatre mille cinq cents hommes, mais on peut égarer le peuple, amener quelques troubles, et disposer la Convention à augmenter cette force de dix, douze, quinze et trente mille hommes ; alors la faction aurait des moyens pour arrêter ou influencer toutes les délibérations qu’elle jugerait à propos ; la souveraineté du peuple serait annulée, et l’on verrait naître l’aristocratie des magistrats… Je demande par grâce à mes collègues de la Convention de se réunir ici, de se concerter pour combattre la faction, je ne crains rien pour moi, je crains tout pour la patrie ; il faut qu’on nous débarrasse de ces intrigants qui font tout le malheur de la République. (Applaudissements.) »

Et c’est douze jours avant, que les Jacobins acclamaient Barbaroux ; c’est quelques jours avant, que Couthon lui-même avait applaudi au projet de Buzot. Mais en ces deux semaines il avait apparu que la garde départementale était, dans le dessein de la Gironde, un instrument de guerre à mort contre Paris, une arme détestable d’ambition et de guerre civile. Buzot, avec une insolence maladroite et qu’il prenait pour de l’héroïsme, avouait, étalait cette politique de revanche et de haine contre Paris. Un conflit s’était élevé entre la Convention et quelques sections de Paris. La Commune de Paris voulait qu’il fût procédé au renouvellement des départements et de la municipalité par le scrutin à haute voix. Il lui paraissait qu’ainsi, sous la surveillance même des forces les plus véhémentes du peuple, les électeurs feraient