Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/398

Cette page a été validée par deux contributeurs.

indispensable de se tenir serrés les uns contre les autres, se rendront ici avec assiduité et avec zèle. »

Calou intervenait pour dire : « Je crois pouvoir lever tous les nuages qui paraissent s’élever contre la société intitulée la Réunion, en annonçant qu’elle vient de prendre l’arrêté de se réunir tout entière aux Jacobins et de ne former qu’une seule masse avec eux. (Applaudissements universels.) »

Ainsi les Jacobins allaient être de nouveau une grande force, mais une force encore un peu incertaine et indéterminée, qui n’était livrée à aucune faction exclusive et sur laquelle la Gironde aurait pu s’appuyer par une large et ferme politique. Mais les Girondins (je parle des chefs, des dirigeants) ne voulaient pas se rencontrer avec cette députation de Paris qu’ils méditaient de perdre en l’enveloppant presque tout entière dans les accusations d’anarchie et de meurtre qu’ils ressassaient contre Marat. Ils ne voulaient pas chercher le plan d’une politique commune avec ces démocrates parisiens contre lesquels, depuis les élections, ils avaient une implacable rancune. Ils ne voulaient pas délibérer avec Danton, de peur d’être entraînés dans sa grande pensée conciliante et active ; et avec un orgueil frivole et mauvais, ils s’isolaient des forces les plus ardentes de la Révolution.

Et quelle faute de tactique encore, au moment où ils proposaient une garde départementale, de manifester leur esprit de coterie et d’exclusion ! Du coup, les députés sans préjugés et sans haines devaient se dire que la garde départementale ainsi réunie serait au service non de la Convention, mais d’une faction étroite, égoïste et vaniteuse, dominant la Convention. Lorsque le 11 octobre, la Convention nomma neuf membres du Comité de Constitution elle choisit, sous l’influence de la Gironde : Sieyès, Thomas Paine, Brissot, (bientôt remplacé par Barbaroux), Pétion, Vergniaud, Gensonné, Barère, Danton, Condorcet. C’était presque exclusivement un Comité « rolandiste ». Aucune part n’était faite aux amis de Robespierre, et Danton était isolé. Il chercha un point d’appui aux Jacobins, et dans la séance du 14 octobre qu’il présidait, dans celle-là même où il donna l’accolade à Dumouriez, il dit : « Je ne doute pas que la société ne forme un comité auxiliaire de constitution ». Ainsi, la Gironde, par son esprit étroit, transformait en forces hostiles les grandes forces de démocratie dont Danton était le centre ; et ces forces s’organisaient. Le travail de désaffection et de défiance croissante qui se faisait dans les esprits à l’égard de la Gironde agitée, ambitieuse et vaine, se marque d’une façon très curieuse dans un discours de Couthon. Malade, infirme, il vivait presque hors des partis ; et il est visible qu’il n’avait tout d’abord qu’une sympathie médiocre pour Marat et les hommes de la Commune. Il est visible que sans les combinaisons et les prétentions exclusives de la Gironde il se serait volontiers uni à elle pour assurer à la Convention, pouvoir national et central, la primauté légale, pour enfermer dans des limites plus étroites la Commune de Paris et pour arrêter peu à peu, par la seule