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Royou de la Révolution (par une curieuse coquille, le texte porte : le noyau de la Révolution), invoquer à cet égard le témoignage du président, etc. »

Et il termine par ces lignes d’apothéose :

« C’est au milieu de ce soulèvement effroyable que je me présente à la tribune. Hommes bons et justes qui connaissez le cœur de l’Ami du peuple ; les motifs qui ont toujours conduit sa plume, la pureté de son dévouement à la patrie, vous trembliez de voir l’innocence immolée à la fureur d’une bande d’hommes barbares, vous trembliez de voir le plus ardent de vos défenseurs traîné au supplice comme un atroce machinateur ; déjà vous le représentiez sous le glaive de la tyrannie, et sa tête livide, à la main d’un bourreau, donnée en spectacle aux yeux d’une multitude égarée par les impostures et les applaudissements de ses féroces assassins. Rassurez-vous. Calme au milieu d’eux, fort de sa conscience, se reposant sur la justice de sa cause ; sur son courage indomptable, sur la justice de la majorité des membres de la Convention, sur le sens droit des tribunes, sur le pouvoir irrésistible de la vérité, il bravait, en souriant, les clameurs forcenées de ses ennemis, bien assuré de les couvrir de confusion et de sortir victorieux de cette lutte périlleuse. »

C’est la Gironde qui avait ménagé à Marat cette sorte de triomphe. Mais après tout, la victoire de Marat n’était qu’apparente : il avait commencé le désaveu des journées de septembre, il avait dû s’engager, pour ainsi dire, envers la Convention à répudier sa méthode de violence. Il ne s’était sauvé qu’en se reniant à demi. Et il était obligé de constater que Danton le repoussait. Il ne tenait qu’à la Gironde, en s’alliant au grand patriote et révolutionnaire, de réduire à rien la politique maratiste. Elle aima mieux continuer, sans suite d’ailleurs et sans plan, au hasard des fantaisies et des haines, sa lutte insensée. En quelques semaines, elle accumula tant de fautes qu’elle usa auprès des députés sans prévention presque tout son crédit. D’abord, avec son esprit de coterie, son goût des réunions occultes et exclusives où elle n’avait à souffrir ni la contradiction ni l’outrage et où elle machinait des plans secrets, elle négligea de rester aux Jacobins ou tout au moins d’y agir avec force. Elle y avait encore, au moment où la Convention se réunit, de sérieux appuis ; elle aurait pu les garder, si elle n’avait pas perdu contact avec l’esprit public, avec la démocratie parisienne. Dans la séance du 24 septembre aux Jacobins, c’est Pétion qui préside ; et lorsque Fabre d’Églantine attaque Buzot et sa motion de garde départementale, il est interrompu violemment.

« Combien donc cette garde appelée des départements, peut-elle occasionner de maux (Murmures.) Quel danger si chacune de ces forces se rangeant autour de sa députation, Paris voulait prendre fait et cause pour la sienne. (Murmures excessifs.) Ne serait-ce pas là un germe de guerre civile ? » Barbaroux fut acclamé au contraire : « Huit cents Marseillais sont en marche pour Paris et ils arrivent incessamment. (Applaudissements). Marseille, qui a prévu tous les bons décrets, qui a aboli la royauté quatre mois avant qu’elle