Il se peut, que quelques-uns de ses fanatiques amis aient interprété comme un vœu de dictature cette parole. Il se peut aussi que quelques-uns n’aient entrevu d’autre solution que la création d’un pouvoir révolutionnaire très fort où Robespierre tiendrait une grande place. Mais de là à convaincre Robespierre d’avoir formé un plan de dictature, il y a un abîme. En fait, c’est toujours pour une politique pacifique et légale, exclusive, par conséquent, de tout pouvoir dictatorial, qu’il se prononçait. Avant le Dix-Août il croyait que l’Assemblée pouvait légalement, constitutionnellement, sauver la liberté et la patrie. Et quand le mouvement révolutionnaire lui apparut enfin inévitable, il insista pour qu’une Convention nationale, nommée par le peuple, fût convoquée aussitôt. Qu’il ait espéré un moment, par la Commune de Paris, agir puissamment sur les élections-mêmes et sur l’Assemblée nouvelle, je le crois, et je ne m’explique qu’ainsi la monstrueuse accusation portée par lui contre la Gironde, dans la terrible nuit du 2 au 3 septembre. Mais, c’était là la suite de l’ébranlement du Dix-Août, et il était impossible, de ne pas faire le procès du Dix-Août même, si on faisait le procès aux mouvements et aux combinaisons qu’il suscita. Robespierre expiait maintenant, par cette fausse accusation de dictature, le détestable rêve d’ambition meurtrière, auquel un moment, dans le déchaînement des fureurs de septembre, il s’abandonna.
Panis jura que l’affirmation de Barbaroux était inexacte.
« J’atteste, sur mon serment, que je n’ai pas dit un seul mot à Barbaroux qui ne fût relatif à la translation des Marseillais, et que je ne lui ai jamais parlé de dictature. D’où a-t-il pu inférer une pareille accusation ? Quels sont ses témoins ? — Rebecqui : Moi, Monsieur. — Vous êtes son ami, je vous récuse. »
Panis n’avait pas sans doute gardé le souvenir de toutes les pensées qui, en ces journées terribles, avaient traversé son esprit ; mais encore une fois, à quoi pouvait aboutir la Gironde par ce système d’accusation ? À rien, ou à mettre en cause la Révolution même du Dix-Août. Et dans les deux cas elle se perdait.
Marat parla enfin, sans se troubler, sous une tempête de mépris et de haine, sous l’orage des colères vraies et des colères simulées. Tout d’abord les députés voulaient l’arracher de la tribune.
« J’ai donc dans cette assemblée un grand nombre d’ennemis personnels ? — Tous, tous ! — Si j’ai dans cette assemblée un grand nombre d’ennemis personnels, je les rappelle à la pudeur. »
Et il se défendit, ou plutôt il se glorifia de toutes ses paroles, de tous ses actes. Mais lui, si prompt à accuser et à faire appel au glaive, il plaida pour la liberté des opinions.
« J’ai soumis mes opinions à l’examen du public ; si elles sont dangereuses, c’est en les combattant par des raisons solides, et non en me vouant à l’anathème que mes ennemis devaient les proscrire ; c’est en les réfutant, et