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détruire l’unité en France, et je propose de décréter que la Convention nationale pose, pour base du gouvernement qu’elle va établir, l’unité de représentation et d’exécution. Ce ne sera pas sans frémir que les Autrichiens apprendront cette sainte harmonie ; alors, je vous jure, nos ennemis sont morts. (Vifs applaudissements.) »

Mais c’est cette « harmonie sainte » que la Gironde ne voulait pas. Danton, par ses propositions loyales, par la double loi portée contre les projets de dictature attribués aux uns, contre les projets de fédéralisme attribués aux autres, réalisait l’union. Le désaveu infligé par lui à Marat réduisait celui-ci à l’isolement et à l’impuissance. Mais c’est la guerre à mort contre tous ses rivaux que la Gironde poursuivait.

Buzot répondit âprement à Danton. Qu’importerait, dit-il en substance, de voter une loi contre la dictature, si on ne votait une loi contre les moyens qui la préparent ? Ainsi, c’est une législation tendancieuse et captieuse qu’il voulait combiner : comme si ce n’était point la lutte des factions qui préparait la dictature, comme si, en cherchant l’union, Danton ne garantissait point par là même la liberté !

Robespierre intervint à son tour ; mais il indisposa la Convention, déjà animée contre lui, par la longueur de ses explications personnelles. Il célébra ses vertus son désintéressement, se mit au premier rang des révolutionnaires par la violence des haines suscitées. Et toujours l’irritant refrain : c’est moi qui… c’est moi que… c’est pour moi… Du reste, il se ralliait aux propositions de Danton.

Excité sans doute par l’accueil très froid et presque hostile que la Convention fit à Robespierre, Barbaroux se leva pour préciser l’accusation.

« Barbaroux, de Marseille, se présente pour signer la dénonciation qui a été faite. Nous étions à Paris, dit-il, avant et après le 10 août ; vous savez quelle conspiration patriotique a été tramée pour renverser le trône de Louis XVI, le tyran. Les Marseillais ayant fait cette Révolution, il n’était pas étonnant qu’ils fussent recherchés par les différents partis qui malheureusement divisaient alors Paris.

« On nous fit venir chez Robespierre. Là, on nous dit qu’il fallait se rallier aux citoyens qui avaient acquis de la popularité. Le citoyen Panis nous désigna nominativement Robespierre, comme l’homme vertueux qui devait être dictateur de la France. (Mouvements d’agitation et murmures.)

« Mais nous lui répondîmes que les Marseillais ne baisseraient jamais le front, ni devant un roi, ni devant un dictateur. (Vifs applaudissements.) Voilà ce que je signerai et que je défie Robespierre de démentir. »

Que de bruit pour peu de chose ! Je suis très porté à croire que le propos de Panis a été, en effet, tenu. Mais quelle importance cela a-t-il ? Et suffira-t-il de la parole indiscrète d’un ami trop zélé pour convaincre un homme d’avoir marché à la dictature ? Dans les jours qui précédèrent et dans les jours qui