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parlé d’un parti dictatorial qui existait à la Convention et le somma de s’expliquer. Lasource répondit par des paroles violentes et vagues : le régime de terreur et d’assassinat inauguré depuis des semaines n’était-il pas un régime de dictature ? Danton, Robespierre, Marat demandèrent la parole pour s’expliquer enfin sur ces accusations de dictature. Danton parla le premier, d’une parole claire et d’un grand cœur, moins préoccupé de se défendre lui-même que de désarmer les haines et de mettre un terme aux rivalités. Il se dégagea de Marat sans violence mauvaise et sans anathème :

« C’est un beau jour pour la nation, c’est un beau jour pour la République française, que celui qui amène une explication fraternelle au sein de cette assemblée… Je suis prêt à vous retracer le tableau de ma vie publique. Depuis trois ans, j’ai fait tout ce que j’ai cru devoir faire pour la liberté. Pendant la durée de mon ministère, j’ai employé toute la vigueur de mon caractère et j’ai apporté dans le conseil tout le zèle et toute l’activité du citoyen embrasé de l’amour de son pays. S’il y a quelqu’un qui puisse m’accuser à cet égard, qu’il se lève et qu’il parle. Il existe, il est vrai, dans la députation de Paris un homme dont les opinions sont, pour le parti républicain, ce qu’étaient celles de Royou pour le parti aristocratique : c’est Marat.

« Assez et trop longtemps l’on m’a accusé d’être l’auteur des écrits de cet homme. J’invoque le témoignage du citoyen qui vous préside (Pétion). Il lut, votre président, la lettre menaçante qui m’a été adressée par ce citoyen ; il a été témoin d’une altercation qui a eu lieu entre lui et moi à la mairie. Mais j’attribue ces exagérations aux vexations que ce citoyen a éprouvées. Je crois que les souterrains dans lesquels il a été renfermé ont ulcéré son âme… Il est très vrai que d’excellents citoyens ont pu être républicains par excès, il faut en convenir ; mais n’accusons pas pour quelques individus, une députation tout entière. Quant à moi, je n’appartiens pas à Paris, j’appartiens à un département vers lequel je tourne toujours mes regards avec un sentiment de plaisir ; mais aucun de nous n’appartient à tel ou tel département, il appartient à la France entière. Faisons donc tourner cette discussion au profit de l’intérêt public.

« Il est incontestable qu’il faut une loi vigoureuse contre ceux qui voudraient détruire la liberté publique. Eh bien ! portons-la, cette loi ; portons une loi qui prononce la peine de mort contre quiconque se déclarerait en faveur de la dictature ou du triumvirat ; mais après avoir posé ces bases qui garantissent le règne de l’égalité, anéantissons cet esprit de parti qui nous perdrait. On prétend qu’il y a parmi nous des hommes qui ont l’opinion de vouloir morceler la France ; faisons disparaître ces idées absurdes, en prononçant la peine de mort contre leurs auteurs.

« La France doit être un tout indivisible, elle doit avoir unité de représentation. Les citoyens de Marseille veulent donner la main aux citoyens de Dunkerque. Je demande donc la peine de mort contre quiconque voudrait