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parler du Code pénal, si nous n’avons pas une force suffisante pour faire exécuter cette loi, où sommes-nous ? Mais cette force dont je vous parle, n’est-elle pas encore un des moyens qui vous ont été présentés par le ministre de l’intérieur, ce ministre qui, malgré toutes les calomnies qu’on peut débiter contre lui, n’en est pas moins à mes yeux, aux yeux des départements éloignés, un des plus grands hommes de bien de la France ? (Applaudissements réitérés.)

« C’est une force publique que je demande, c’est une force envoyée par tous les départements ; car je n’appartiens pas à Paris, je n’appartiens à aucun d’eux ; j’appartiens à la République entière. Voilà mon vœu fortement exprimé, malgré les déclarations de ceux qui parlent des Prussiens et de je ne sais quels hommes que je ne connais pas, moi qui vivais paisiblement dans ma province, en cultivant mon âme forte contre toute espèce d’événements. »

Âme faible au contraire, car les âmes vraiment fortes s’attachent plus aux objets et moins à elles-mêmes… C’était un acte grave de défiance contre Paris. C’était le germe de la guerre civile entre Paris et la France, et j’observe qu’aucun des orateurs n’essaie même de justifier par des faits précis, par des attentats préparés ou annoncés contre la Convention, ces dispositions extraordinaires. Le souvenir des massacres de septembre, savamment exploité par la Gironde, troublait les esprits. Ah ! Marat, le clairvoyant, « le prophète », avait bien raison, après les avoir conseillés, de les appeler « désastreux » ! Ils faussaient à ce moment la Révolution. Ils fournissaient à l’intrigue girondine le spectre sanglant dont elle avait besoin ; et ils lui permettaient de prolonger la terreur du cauchemar bien après l’évanouissement du danger.

La Convention, sous l’influence de la Gironde vota le même jour, 24 septembre, la motion suivante :

« La Convention nationale décrète qu’il sera nommé six commissaires, chargés : 1o de rendre compte, autant qu’il sera possible, de l’état de la République et notamment de l’état de la ville de Paris ; 2o de présenter un projet de loi contre les provocations au meurtre et à l’assassinat ; 3o de rendre compte des moyens de donner à la Convention nationale une force publique qui sera à sa disposition et qui sera prise dans les 83 départements. »

Ainsi la Gironde prenait sa revanche contre Paris et la Révolution de ses mécomptes électoraux parisiens. Elle irritait, elle avivait toutes les blessures qu’il aurait fallu fermer. Et Roland, qui avait dit tout d’abord qu’il fallait tirer un voile, cherchait maintenant, pour perdre Danton dont le génie agissant l’offusquait, à ouvrir une vaste et insidieuse enquête sur les événements de septembre. Dût la Révolution se déchirer elle-même, il fallait que les amours-propres fussent vengés. Petitesse des vanités, bassesse des haines !

Le lendemain 25 septembre, l’orage gronda de nouveau. Merlin de Thionville protesta contre le décret rendu la veille, raconta que Lasource lui avait