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d’association ainsi formés vont organiser et accroître ? Non certes, et le grand rêveur lyonnais ne pouvait laisser hors de son rêve le commerce et l’industrie.

Ces associations deviennent des associations de banque : la Compagnie, constituée sur un capital aussi important et appuyée sur la croissante richesse du pays, inspirera une confiance universelle. Elle pourra donc endosser le papier des commerçants dans leurs relations avec les nations étrangères ; elle s’engagera à acquitter pour eux les traites tirées sur la France. Elle trouvera aisément à emprunter au dehors du numéraire, car elle offrira comme caution tout un vaste développement industriel suscité par elle. Elle aura ainsi le fonds métallique de roulement nécessaire pour les opérations de banque internationales ; et, ayant pu se procurer tout l’or nécessaire pour les payements à l’étranger, elle pourra accepter des négociants, pour le compte desquels elle aura payé les traites, des assignats au pair de l’argent. Elle contribuera ainsi doublement à rétablir le crédit de l’assignat, d’abord en ne l’offrant pas à perte aux étrangers, et ensuite en l’acceptant au plein de sa valeur pour les échanges intérieurs.

C’est dans une nouvelle brochure, Réponse aux objections, parue après le Dix Août, que L’Ange étend aux opérations commerciales et industrielles l’association : « Son crédit chez l’étranger sera solide et grand ; et c’est en portant à la plus grande valeur la main-d’œuvre du peuple français qu’elle soutiendra ces emprunts. De cette manière, elle aura des fonds dans toutes les places de commerce, pour payer peu à peu toutes les traites sur la France à l’acquit des négociants français qui pourront alors payer à la Compagnie en assignats au pair de l’argent.  »

C’est donc dans la suite même des opérations révolutionnaires et dans le mécanisme financier de la Révolution que L’Ange insère son système, rattaché ainsi à toute la vie révolutionnaire. Et ce n’est plus dans un cercle agrarien étroit que se meut la pensée, c’est à toute l’étendue de la production que s’applique le nouveau système : c’est tout le travail humain, c’est toute l’existence humaine qui seront renouvelés par la vaste et libre association. Ces trente mille centres d’assurance et de crédit reliés les uns aux autres, se soutenant les uns les autres, solidaires les uns des autres, deviennent vraiment l’âme multiple et une de la nation ; et c’est avec une exaltation presque mystique que L’Ange célèbre quelques-uns de leurs bienfaits. Il écrit dans sa brochure de juin : « Solidairement engagé à garantir quiconque voudra, des orages, des inondations et incendies, et même des voleurs nocturnes, chaque grenier sera une tour de guet, un dépôt de secours, un œil de prévoyance ». C’est comme une litanie enthousiaste de l’association. Et L’Ange (c’est un autre trait qui lui est commun avec Fourier) a une foi absolue dans l’efficacité totale et immédiate du système. C’est du jour au lendemain qu’il produirait des effets magnifiques. Il suffirait pour cela de le faire comprendre par tous