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terre. Mais si par tous ces traits le socialisme lyonnais de 1790 est imprégné d’utopie, il est imprégné aussi de démocratie.

C’est au nom des Droits de l’homme que L’Ange affirme à la fois le droit des travailleurs à la vie publique et leur droit souverain à la propriété. Et s’il compte sur le concours du roi pour réaliser la Révolution sociale, s’il conçoit celle-ci comme un compromis entre la nation et le roi analogue au compromis constitutionnel élaboré par la Constituante, il offre aussi au roi, pour l’exécution du plan général d’expropriation, la force du peuple. Le socialisme n’est mêlé d’utopie en 1790 que parce que la démocratie n’est pas pleinement développée ; et plus tard, avec Fourier, il ne prendra un caractère réellement utopique que parce que la démocratie aura été refoulée. Il n’aurait pas été réduit à compter sur la générosité des classes privilégiées et sur l’initiative des grands de la terre si un régime d’entière démocratie avait donné au peuple producteur la force d’espérer, de vouloir et d’agir.

Assignat de dix sous.
(D’après un document de la Bibliothèque Nationale.)



Mais voici que la royauté traîtresse est démasquée et chancelle. Voici que dans l’été de 1792 les symptômes d’une prochaine Révolution républicaine commencent à apparaître, et qu’en même temps le déséquilibre économique, la crise du pain et des subsistances, posent d’une manière pressante le problème social.

Du coup, L’Ange, que la démocratie lyonnaise a porté, dans l’intervalle, à la municipalité, formule à nouveau ses vues de réorganisation sociale. Mais cette fois, en juin 1792, ce n’est plus au roi qu’il s’adresse, c’est à la municipalité de Lyon, et, par elle, à l’Assemblée nationale, ou mieux, c’est à la démocratie tout entière, c’est au peuple tout entier. Il insiste et répond aux