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avec les facultés de l’industrie du citoyen. C’est une des clauses sine qua non du contrat social.

« Personne ne peut contester cette vérité. Ce principe est constant ; s’il n’existait pas il n’y aurait pas de société.

« Les productions de la terre ne pouvant, par cette raison, être rangées dans la même classe que les autres propriétés proprement dites, et chaque être respirant sur la terre y devant trouver la subsistance, il est évident qu’en établissant la fixation demandée, on ne viole pas la propriété du cultivateur puisque cette fixation en est le prix ».

Quelle interprétation atténuée du fameux mot : les propriétés faussement appelées territoriales ! Atténuée, mais plus en apparence qu’au fond. Car ce droit de la société sur les productions de la terre, ce droit de la société d’en fixer le prix d’après les ressources des citoyens, c’est-à-dire d’après les ressources des plus pauvres, c’est bien une sorte d’expropriation partielle de la propriété foncière au profit de la communauté et du peuple. Et j’imagine que Momoro n’avait pas attendu le mois d’avril, pour comprendre que la tactique prudente et les voies détournées de la taxation le conduiraient plus sûrement au but qu’une déclaration de guerre imprudemment renouvelée aux propriétés territoriales. Dès le mouvement du peuple, en octobre et novembre, au sujet de la taxation, il entrevit sans doute que le principe de la taxation pouvait être conduit peu à peu jusqu’aux confins de la loi agraire. Ainsi la loi agraire était, pour ainsi dire, à fleur du sol. En cette période un peu indécise, nul encore, après l’éclat imprudent et universellement blâmé de Momoro, en septembre, ne se risque à mettre directement en cause la propriété foncière ; mais l’absolu de son droit est miné par un travail profond.

J’ai cité, à sa date, c’est-à-dire au commencement de l’été de 1792, la curieuse lettre à demi transparente, à demi énigmatique, par laquelle l’abbé Dolivier, à propos précisément des subsistances, posait bien discrètement encore le problème de la propriété foncière ou plutôt annonçait qu’il faudrait se décider enfin à le poser. On devine avec quelle passion contenue et croissante l’abbé Dolivier suivait le mouvement de pensée et d’action qui se développait chez les prolétaires. Il ne parlait pas encore, il ne se livrait pas ; il attendait qu’un plus haut essor de la Révolution et du peuple lui permît de déployer toute sa pensée ; mais sûrement, dès cette époque, sa méditation devenait plus pressante, plus précise.

Elle éclatera bientôt en une œuvre d’une importance capitale, que Gabriel Deville, qui l’a rencontrée au cours de ses recherches sur Babeuf, m’a signalée et qui est comme la transition entre l’extrême démocratie robespierriste et le communisme babouviste. Le germe tressaille et semble tout près de percer la terre. Dès octobre et novembre 1792, des pensées hardies passionnent secrètement le mouvement naissant, la conception naissante du maximum. Ce