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des denrées ? Le député Frécine, qui veut faire croire, lui aussi, à un régime de terreur, se dément lui-même :

« Au Mans, ils ont forcé les administrateurs du département à approuver par un arrêté l’irrégularité de leur conduite. Les administrateurs ont cédé : je ne les excuse pas. Il parait qu’ils ont préféré la sécurité avec un peu de honte à l’honneur dangereux de remplir leur devoir. Partout ce rassemblement s’est augmenté de la totalité des citoyens des villages par lesquels il passait. Partout ils n’ont laissé que les femmes, les infirmes et les enfants. Tout le reste a été forcé de se joindre à eux, sous peine de se voir incendier ses possessions. Ils ont eu soin de se faire précéder dans leur marche par les officiers civils et militaires des lieux dont ils emmenaient les habitants. »

Mais vraiment est-il admissible que toute une population ait suivi ainsi par peur ? Sans doute les paysans rusés se réservaient une excuse au cas où les choses tourneraient mal, et ils répondaient aux administrateurs : On nous a emmenés de force. Mais c’est de bon cœur qu’ils étaient entrés dans le mouvement. Pour les verriers de Montmirail, la violence prétendue qui leur a été faite est si illusoire, que plusieurs Conventionnels demandent au contraire s’ils n’ont pas agi à l’instigation perfide de leur patron verrier, Duval, suspecté un moment de contre-révolution. Non, c’est bien librement et délibérément que tous, ouvriers des usines et travailleurs de la terre, se soulevaient contre des prix excessifs, demandaient et imposaient la taxation des denrées, revendiquaient un plus haut salaire, exigeaient la division des grandes fermes et la diminution du prix des baux. Lecointe-Puyraveau, Birotteau et Maure durent sanctionner un tarif des prix, qui était déjà, pour les objets les plus essentiels, un premier tableau du maximum. Sous la menace, ils avaient signé la formule suivante :

« Arrêté aujourd’hui, le 29 novembre 1792, l’an premier de la République, par les commissaires de la Convention nationale que les prix des denrées ci-après sont à jamais fixés ainsi qu’il suit, savoir :

« La tête de blé, le setier à 17 livres, 6 sous. Qualité moyenne, le setier à 16 livres. Dernière qualité, le setier à 14 livres.

« L’orge, le setier à 8 livres.

« La chandelle, à 16 sous la livre.

« Bœuf, 5 sous la livre.

« L’aune de toile à 2 livres. Celle de serge blanche à 55 sous.

« Le fer, 20 livres le cent.

« Les souliers à 4 l. 10 la paire. Ceux à forte semelle et à deux rangs de clous à 45 sous la paire. »

Ce sont très vraisemblablement les prix de 1790, ceux-là mêmes que la Convention, quand elle établira le maximum, prendra pour base, en les majorant d’un tiers. J’observe, en effet, en ce qui touche les souliers, que le cordonnier Gerdret venait de soumissionner pour les souliers de l’armée à rai-