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Robespierre. Je lis dans le Patriote français : « M. Robespierre réclame, au nom de la municipalité révolutionnaire, contre la formation du tribunal destiné à juger les conspirateurs du 10 août ; il demande que les citoyens nommés dans les sections fassent à la fois les fonctions de jurés d’accusation, de jugement et de juges. Cette proposition, contraire aux principes de l’institution des jurés, contraire à tous les principes, a été renvoyée à la commission extraordinaire. »

Le rapport en a été fait quelques heures après, par M. Brissot. Il a prouvé clairement l’inadmissibilité de la pétition de M. Robespierre, qui n’était pas le vœu de la Commune. La Commune demandait seulement que le recours au tribunal de cassation n’eût pas lieu. » Tout cela est mesquin et irritant. Que signifie cette tentative pour isoler Robespierre de la Commune, qui l’avait délégué ? Que signifie cet aigre et fastueux rappel aux principes, quand, en abolissant le recours en cassation, on bouleverse soi-même dans un intérêt révolutionnaire, tout le système des jugements ? Que signifie aussi cette falsification de la pensée de Robespierre ? Il n’avait pas demandé que les jurés fissent fonctions de juges, mais que les juges fussent renouvelés comme les jurés.

On se prend à haïr ces contentions et rivalités misérables. Pendant que Robespierre savourait la joie orgueilleuse d’apporter au nom de la Commune des indications qui étaient des ordres, Brissot chicanait et cherchait à humilier Robespierre.

Il fallut bien pourtant se résoudre à régler la question des juges posée par la Commune de Paris ; et deux jours après l’article dédaigneux et blessant de Brissot, l’Assemblée était obligée, par la logique même des choses, de décider que des juges nouveaux seraient nommés. C’est Hérault de Séchelles qui démontra la nécessité de compléter la décision tronquée du 15 août :

« Messieurs, vous avez décrété hier la formation d’un nouveau jury d’accusation et de jugement pour connaître les délits dont l’explosion s’est faite dans la journée du 10 de ce mois. Cette création vous a paru nécessaire pour suppléer à l’insuffisance des jurés existants et au peu de confiance que quelques-uns d’entre eux s’étaient attiré par leurs opinions politiques. Ce nouveau jury est formé. Mais il vous reste maintenant pour le mettre en activité, à compléter les sages dispositions de votre décret, en les étendant au tribunal actuel du département qui présente des inconvénients du même genre et semble vous imposer la nécessité des mêmes mesures. En effet, Messieurs, si, après avoir créé un autre jury, vous conservez pour juger ceux auxquels appartient maintenant l’examen des délits ordinaires, vous manqueriez le but que vous vous êtes proposé ; vous paralyseriez les deux jurés. Vous éloigneriez contre votre intention la vengeance de la loi. »

L’Assemblée décréta donc que selon les formes ordinaires de nouveaux