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qu’on étouffe. La liberté illimitée du commerce des grains est oppressive pour la classe nombreuse du peuple. Le peuple ne la peut donc supporter. Elle est donc incompatible avec notre République… Nous voici parvenus à une seconde vérité : La loi doit pourvoir à l’approvisionnement de la République et à la subsistance de tous.

« Quelle règle doit-elle suivre en cela ? Faire en sorte qu’il y ait des grains ; que le prix invariable de ces grains soit toujours proportionné au prix de la journée du travail ; car si le prix du grain varie, le prix de la journée ne variant pas, il ne peut y avoir de proportion entre l’un et l’autre. Or, s’il n’y a pas de proportion, il faut que la classe la plus nombreuse soit opprimée ; état de choses absurde et qui ne peut durer longtemps.

« Législateurs, voilà donc des vérités constantes. Il faut la juste proportion entre le prix du pain et la journée du travail. C’est à la loi à maintenir cette proportion à laquelle la liberté illimitée est un obstacle.

« Quels sont les moyens qui doivent être employés ? Il ne faut pas vous le dissimuler, législateurs, tout moyen partiel est ici dangereux et impuissant ; point de termes moyens, ce sont eux qui nous ruineront : ce sont ceux sur lesquels comptent les économistes, pour faire triompher leur système de liberté illimitée. Pour compter sur le commerce, il faut que la liberté soit entière et, à la première entrave, il faut que le commerce soit détruit ; autrement il n’agira que pour vous enlever et non pour vous apporter : il n’existera que pour votre ruine… Supprimez, dès à présent, toutes ces mesures inégales qui entretiennent l’ignorance et favorisent le monopole.

« Ordonnez que tout le grain se vendra au poids. Taxez le maximum ; portez-le cette année à 9 livres le quintal (de 50 kilogrammes ; cela fait 18 francs les 100 kilogrammes), prix moyen également bon pour le cultivateur et le consommateur. Ordonnez que, pour les autres années, il sera fixé dans la même proportion d’après le rapport du produit de l’arpent avec le coût de la culture : rapport qui sera déterminé par des personnes choisies par le peuple.

« Interdisez le commerce des grains à tout autre qu’aux boulangers et meuniers, qui ne pourront eux-mêmes acheter qu’après les habitants des communes, au même prix, et qui seront obligés de faire leur commerce à découvert. Ordonnez que les mesureurs ne pourront acheter pour plus de trois mois de leur consommation ; que chaque fermier sera tenu de vendre lui-même son grain au marché le plus prochain de son domicile, sans pouvoir le vendre sur montre par des mesureurs, porte-faix ou facteurs, enfin que les grains restants à la fin du marché seront constatés par les municipalités, mis en réserve, et exposés les premiers en vente. Ordonnez que nul ne pourra prendre à ferme plus de 120 arpents, mesure de 22 pieds par perche ; que tout propriétaire ne pourra faire valoir par lui-même qu’un seul corps de ferme, et qu’il sera obligé d’affermer les autres ; que nul ne pourra