Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/323

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le nombre des bras, donnait aux demandes des salariés une force irrésistible ?

Il y a un rapprochement qui saisit l’esprit.

Dans quelques mois, la Convention, acculée au maximum et à la taxation générale des denrées dont d’abord elle ne voulait pas, fixera tous les prix, prix des marchandises et prix du travail, sur la base des prix de 1790 augmentés d’un tiers. Il est certain qu’elle a cherché à se rapprocher le plus possible de l’état de fait créé par la crise des prix. Elle prétendait marquer une limite au mouvement désordonné de hausse qui se produisait depuis des mois. Mais elle s’appliquait à coup sûr à ne pas donner une nouvelle et inutile secousse à s’appuyer le plus possible sur les données mêmes de l’heure présente. Comment, par exemple, se serait-elle risquée à décréter ainsi une majoration d’un tiers sur les salaires si cette majoration n’avait pas été déjà presque partout réalisée par l’effort même des salariés ? Elle aurait soulevé contre elle, par un brusque relèvement des salaires, tous les cultivateurs, tous les fermiers tous les propriétaires. Il me paraît donc infiniment probable que la Convention crut devoir compter avec une hausse générale d’un tiers sur tous les prix, prix des marchandises et prix du travail comme avec une réalité préexistante. Et son but était de consolider cette hausse, de la fixer, de prévenir toute manœuvre de renchérissement ou d’avilissement.

Je suis donc très porté à croire que c’est à une hausse d’un tiers qu’avait abouti dans l’ensemble et en moyenne, pour les salaires comme pour les diverses denrées, la hausse des prix dans le dernier trimestre de 1792 et le premier semestre de 1793. Or, il se trouve que le député qui a fourni les indications de fait les plus catégoriques et les plus précises, Dorniez, donne précisément cette hausse générale d’un tiers comme un fait de notoriété publique : les marchandises de 6 livres portées à 9 livres, les journées de travail portées de 20 sous à 30 sous. C’est donc au moins d’un tiers qu’avait été la hausse des salaires. Je dis au moins, car je citerai plus tard une circulaire du Comité des subsistances aux ouvriers, où il leur rappelle qu’ils doivent se soumettre pour leurs salaires à la loi du maximum.

Il y eut en effet, en plusieurs points des réclamations assez vives. Les ouvriers se déclarèrent lésés par la loi qui élevait d’un tiers les salaires de 1790. Ils avaient donc dépassé déjà de plus d’un tiers ce niveau. Et quoique cette augmentation ne fût en somme que nominale, puisqu’elle ne faisait qu’équilibrer la hausse générale des marchandises, c’est un des plus notables mouvements de salaire que l’historien ait à enregistrer. L’effort du peuple était double. D’une part, il tâchait de limiter le prix des denrées, soit par la taxation directe sur les marchés, soit par les lois de taxation que dès lors il commençait à solliciter de l’État et qu’il finira par imposer. Et, d’autre part, les salariés exigeaient partout de leurs employeurs, propriétaires, fermiers, industriels de tout ordre, un relèvement de salaire.

Les prolétaires, les salariés exerçaient donc à ce moment, et avec un en-