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leurs greniers, le marchand n’ose se livrer à ses spéculations ; le commerce languit, et de là, nous éprouvons des disettes partielles et factices, au milieu d’une abondance réelle. »

Fabre, de l’Hérault, dit dans son rapport du 3 novembre :

« La France, s’il faut en croire les économistes les plus fameux, recueille, en général, le blé nécessaire pour la consommation de ses habitants ; et s’il est impossible d’avoir des données certaines sur cet objet, toutes les probabilités se réunissent en faveur de cette hypothèse. Si la récolte a été, cette année, stérile dans quelques départements, une heureuse abondance a fertilisé les autres et devait réparer ces maux partiels. Les pétitions contiennent l’aveu qu’on ne manque pas de grain. »

Beffroy dit, le 16 novembre :

« C’est au milieu de l’abondance que la disette menace le peuple. »

Isoré écrit, à propos d’un district de l’Oise :

« D’après les connaissances parfaites que j’ai recueillies par mes observations et par les aperçus que nos commettants connaissent eux-mêmes, je puis assurer que ce district aura, au delà de sa consommation, 15 000 setiers de froment, de 275 livres, poids de marc ; pareille observation faite sur tous les districts du département de l’Oise, après avoir déduit ce qui convient en raison de la population et de l’ingratitude du sol de plusieurs cantons, il en résultera, très certainement, que ce département pourra céder à ses voisins 80 000 setiers. »

Lequinio dit, le 29 novembre :

« La France manque-t-elle de blé ? Non. La France recueille actuellement au delà de ses besoins. Cette année, la récolte a généralement été bonne et nous y touchons encore ; aussi, quand elle serait insuffisante pour les besoins de l’année entière, il est de toute évidence que nous sommes, en ce moment, dans une abondance réelle. »

Fayan s’écrie le même jour :

« Souffrirez-vous plus longtemps que les Français gémissent au milieu de l’abondance ?

«… Il y a, n’en doutez point, dans la République, plus de grains qu’il n’en faut pour la consommation des citoyens. »

Saint-Just affirme que les produits sont seulement cachés, par l’effet de la surabondance du signe monétaire. Dufriche-Valazé, qui combat précisément les évaluations optimistes, reconnaît cependant qu’il y a assez de grains :

« Voulez-vous, dit-il, que j’ajoute tout le possible à la supposition faite par les économistes ? Eh bien ! je consens que les terres, l’une dans l’autre, rapportent 4 1/6 pour un, les semences prélevées ; il en résultera que nous sommes au pair de nos besoins, sauf le cas de stérilité générale ou partielle. Ici se dissipe un beau rêve, qui ne s’est que trop prolongé ; ici tous les évé-