Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en dénonçant la responsabilité des conspirateurs, de les réserver à un jugement légal : « L’Assemblée nationale, considérant que les maux qui assiègent la France ont pour cause les trahisons et les complots des mauvais citoyens qui ont émigré ; considérant que le salut public demande que leurs desseins parricides soient arrêtés par tous les moyens que permet une juste, défense et que la rigueur des mesures conduira plus sûrement et plus promptement à triompher des ennemis de l’État, décrète qu’il y a urgence.

« L’Assemblée nationale, après avoir décrété l’urgence, décrète que les pères et mères, femmes et enfants des émigrés demeureront consignés dans leurs municipalités respectives, sous la protection de la loi et la surveillance des officiers municipaux, sans la permission desquels ils ne pourront en sortir, sous peine d’arrestation.

« Le présent décret sera envoyé sans délai à tous les départements pour être mis sur-le-champ à exécution. »

C’était évidemment désigner comme des conspirateurs ou au moins comme des suspects tous les parents des émigrés ; c’était proclamer que par eux un réseau de trahison s’étendait sur la France, et quelle conclusion pouvait donner le peuple à cet avis solennel, sinon en un jour de péril plus pressant l’exécution sommaire des traîtres ? Ainsi l’atroce logique du combat engagé conduisait au massacre. Or, au moment même où la Législative constituait ainsi ces innombrables otages de la Révolution menacée, l’ennemi, mettant le pied sur le sol, se livrait aux pires violences. Prussiens et Autrichiens, énervés par les lenteurs de la campagne, accueillis à leur entrée en France par l’hostilité des éléments et des hommes, trempés par des rafales de pluie, et se heurtant à l’entrée de chaque village à la résistance des patriotes embusqués, s’emportaient en des excès furieux.

Ne leur répétait-on pas d’ailleurs, qu’ils combattaient non des hommes mais des bêtes fauves ? et le manifeste de leur général, le duc de Brunswick, n’était-il pas tout plein de sinistres menaces ? Ainsi la naturelle cruauté de l’homme qui combat et en qui l’instinct de conservation toujours menacé tourne en fureur sauvage était comme aiguillonnée de toutes parts. Les soldats pillèrent, brûlèrent, dépouillèrent même de leurs langes les enfants au berceau. Du camp devant Longwy, le 23 août au soir, le vicomte de Caraman écrit au baron de Breteuil : « L’entrée des troupes en France a été marquée par des excès bien condamnables, mais qui ont été réprimés aussitôt par des punitions très sévères. Le pillage a été affreux, mais le roi a cassé et renvoyé le colonel du régiment qui s’y était le plus livré, et deux pilleurs ont été pendus… Les Autrichiens ont aussi pillé de leur côté d’une manière terrible, mais la justice n’a été ni si exacte ni si sévère, et les indemnités ont été nulles. »

À l’heure même où la Révolution s’apprêtait à répondre à la violence par la violence, au meurtre par le meurtre, à l’égorgement des faibles, des