Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/297

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À Londres, à Saint-Pétersbourg, Septeuil poussait aussi ses petites opérations. Les documents relatifs à ces spéculations furent portés à la tribune de la Convention et aggravèrent l’émoi du peuple. On ne voit là en mouvement que de petites sommes, mais a-t-on découvert toute la trame ? Et si les fonds de la liste civile servent à des achats de blés, à des « accaparements », toute la contre-révolution n’est-elle pas entrée dans le système du roi ? Que le grain reste donc sous la surveillance du peuple si on ne veut pas que les contre-révolutionnaires, les nobles, les prêtres factieux, les marchands aristocrates les riches bourgeois feuillants, le concentrent en des magasins secrets, afin d’affamer la nation révolutionnaire.

Le girondin Valazé, rapporteur de la Commission d’examen des papiers trouvés aux Tuileries, dénonça avec violence, le 6 novembre, les spéculations royales :

« De quoi n’était-il pas capable, le monstre ! Vous allez le voir aux prises avec la race humaine tout entière. Je vous le dénonce comme accapareur de blé, de sucre et de café. Septeuil était chargé de cet odieux commerce, auquel nous voyons qu’on avait consacré plusieurs millions. Était-ce pour cet horrible usage que la nation avait comblé le perfide de richesses ? Il n’y a que le cœur d’un roi qui soit capable d’une telle ingratitude.

« Ah ! je ne suis plus surpris de l’imprévoyance des lois sur les accaparements. On faisait tout pour détourner de cet objet l’esprit des législateurs ; on imposait silence au peuple toujours crédule en lui disant qu’il n’y avait point et qu’il ne pouvait y avoir d’accapareurs ; que toutes les parties de l’empire étaient trop activement surveillées par les corps municipaux et les gardes nationales… Le peuple se taisait, car il est si facile à convaincre, et le lendemain, sous le grand prétexte de la libre circulation, on le faisait marcher au secours des accapareurs. J’en profiterai, de cette leçon, et je prends ici l’engagement de veiller avec un soin particulier sur la rédaction des lois relatives aux subsistances.

« Vous concevez bien, représentants du peuple, qu’on a couvert de toutes les ombres du mystère l’odieux commerce que je viens de vous dénoncer, et longtemps nous avons cru nous-mêmes que nos recherches seraient infructueuses. Les sommes que l’on y employait et le nom de celui qui le faisait ne nous laissaient aucun doute sur la part que Louis Capet devait, à l’exemple de son aïeul, prendre à ce commerce. Nous connaissions les besoins toujours renaissants d’une cour corruptrice. Nous avions sous les yeux l’embarras de Septeuil pour satisfaire quelquefois à ces besoins ; cependant nous savions que le fier despote voulait être obéi sur l’heure.

« Nous voyions ce même Septeuil consacrer jusqu’à deux millions et plus à ce commerce qu’il faisait à Hambourg, à Londres et ailleurs, en prenant la simple précaution de se faire adresser sa correspondance, à ce sujet, sous un nom emprunté ; nous étions assurés, en même temps, que le tyran était