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somme sur les citoyens riches du département. Vos comités, jetant ensuite leurs regards sur les autres communes de la République, ont pensé qu’il convenait de faire retirer de la circulation tous les billets de confiance qui ont été émis, soit par des municipalités, soit par des particuliers. »

Cambon propose qu’à partir d’une date très rapprochée, le 1er janvier : « Tout particulier ou toute municipalité qui mettra en émission des billets au porteur, de telle nature qu’ils soient, soient réputés faux-monnayeurs. Cette disposition est sans inconvénient, puisque, avant la fin du mois, il y aura plus de 200 millions d’assignats de 10 et de 15 sols en circulation (compris dans l’émission nouvelle de 400 millions). Les billets au porteur ne sont qu’une source d’agiotage. Ceux de 1.000 livres émis par la Caisse d’escompte et ceux de la Caisse patriotique offrent, sans doute, une garantie suffisante : mais si l’on permettait la circulation de ceux-ci, des fripons en feraient circuler d’autres, et, d’ailleurs, la masse de nos assignats est suffisante à tous les besoins du commerce.

« Nous vous proposons enfin d’établir, par règle générale, que le déficit qui pourra se trouver dans ces différentes caisses sera supporté par les communes où elles sont établies, mais progressivement aux fortunes ; car le citoyen riche doit être taxé infiniment plus que celui qui n’a qu’une fortune médiocre, et l’on ne peut faire payer celui qui n’a que le simple nécessaire. Ce principe est d’autant plus vrai dans son application au cas particulier dont il s’agit, que l’on ne peut contester que c’est au gros propriétaire, aux entrepreneurs, aux chefs d’atelier qu’ont été principalement utiles les billets de la caisse de secours puisqu’ils les ont dispensés d’acheter du numéraire. Ces différentes mesures feront cesser les inquiétudes et préviendront sûrement les troubles dont la stagnation subite de ces billets a menacé plusieurs départements. »

Il y avait eu, en effet, un assez vif émoi déterminé par deux causes. D’une part, les billets de confiance étaient surtout gagés par des assignats, et les assignats baissaient. D’autre part, la faillite frauduleuse de la maison de secours de Paris, qui avait ou dérobé ou compromis dans des spéculations une partie du gage sur lequel reposaient les billets émis par elle, avait ébranlé le crédit de toutes les autres caisses ; qui sait si elles aussi n’avaient pas détourné ou entamé le gage des billets qu’elles avaient mis en circulation ? Aussi, le Comité des finances prévoyait un déficit ; et selon la politique affirmée dès les premiers jours par la Convention, c’est aux riches de chaque commune que va incomber la charge de combler ce déficit et de rembourser au public la partie des billets de confiance qui n’était plus reprêtée par un gage solide dans les caisses « patriotiques ».

De même qu’à Rouen et à Lyon c’est la bourgeoisie riche qui devait supporter par un emprunt forcé, sans intérêt et progressif, la charge de l’approvisionnement en blé à des prix réduits, de même c’est la bourgeoisie riche qui