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des assignats se précipitait, surtout à la suite de la nouvelle émission de 400 millions. Roland, dans son rapport du 9 janvier, constate que « l’échange des assignats est de moitié au-dessous du pair contre l’argent, signe général de la richesse de toutes les nations commerçantes ». 50 pour 100 de baisse, c’est déjà très inquiétant.

Il est bien vrai, comme l’a si bien noté Condorcet, que le rapport de valeur de l’assignat à l’argent ne mesurait pas le rapport de valeur de l’assignat aux autres marchandises : l’assignat perdait beaucoup moins par rapport aux denrées que par rapport à l’argent considéré presque comme objet de luxe. Pourtant, avec une telle baisse de l’assignat par rapport à la monnaie de métal, tout l’équilibre des échanges était troublé : le prix de toutes les marchandises devait hausser. Malgré tout, le métal restait le point lumineux, qui hypnotisait, et la certitude où l’on était de ne pouvoir convertir l’assignat en argent qu’avec une perte de 50 pour 100 dépréciait, en une mesure moindre, mais très sensible encore, l’assignat pour toutes les transactions. Contre les incertitudes dont l’assignat semblait frappé, contre le risque de perte qui pesait sur lui, les détenteurs de marchandises se couvraient en en haussant le prix.

C’était, selon le mot très juste de Roland, comme « une prime d’assurance ». Cette prime, parce qu’elle était répartie sur l’ensemble des marchandises et la totalité des transactions, était bien inférieure à la perte que subissait l’assignat par rapport à cette marchandise toute spéciale et rare qui s’appelait l’argent. Mais elle était élevée encore ; et cette prime d’assurance, d’ailleurs variable, surchargeait et faussait les transactions. Assez longtemps ce trouble causé par l’assignat avait été aggravé, surtout dans les grandes villes, par les billets de confiance, qu’émettaient les « caisses patriotiques » et autres ; à Paris notamment la faillite de la maison de secours avait, comme nous l’avons vu, jeté la panique.

La Convention vota, dans les premiers jours de novembre, un décret qui arrêtait et interdisait toute émission de billets de confiance. Cambon exposa brièvement, le 2 novembre, les raisons qui commandaient ce décret :

« Citoyens, vous parler des billets de la caisse de secours (de Paris) c’est traiter une question très délicate, puisque d’un côté vous avez à défendre l’intérêt du Trésor public, et que de l’autre vous avez à soulager la classe indigente des citoyens. Vous connaissez maintenant la somme présumée des billets de la maison de secours de Paris, qui sont encore en circulation : elle est de 2.986.063 livres ; c’est cette somme qu’il est instant de rembourser ; nous ne connaissons pas encore au juste l’état de l’actif de cette maison. Il s’élève, selon le Directoire du département, à 1.600.620 livres ; selon le Conseil général de la commune, à 1.237.000 livres, Nous évaluons que le déficit des différentes caisses de Paris pourra s’élever à 5 millions.

« Nous vous proposerons demain un projet de décret pour répartir cette