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partiel des fabriques de soie par des moyens factices, par des commandes d’État, eut apparu, les enrôlements volontaires se multiplièrent ; les sans-travail se portèrent aux armées, ou s’employèrent à une des industries que surexcitait la guerre. Ainsi la crise fut atténuée sans doute. Et pourtant, le profond malaise du peuple va contribuer à coup sûr à l’explosion prochaine de la révolte lyonnaise, tournée bientôt en contre-révolution. La Révolution avait été favorisée par l’activité économique générale du pays. Elle n’aurait pas résisté six mois, si la crise industrielle qui sévit à Lyon à la fin de 1792 s’était, dès le début de la Révolution, abattue sur toute la France. Dans l’abîme de la misère et du chômage la Révolution aurait sombré.

Et la preuve, c’est qu’à Lyon, la misère, le chômage, préparèrent les voies à la contre-révolution. Mais il n’y avait là, heureusement, qu’une détresse locale. La France dans l’ensemble restait active et prospère. Roland, au 9 janvier 1793, est si loin de constater ou de redouter un affaiblissement général des manufactures qu’il songe, au contraire, à susciter dans les campagnes l’activité industrielle. C’est une idée ancienne de Roland, et que j’ai déjà notée, d’après son grand article du dictionnaire Panckoucke, quand j’ai fait le tableau de l’état économique de la France en 1789. Roland rêve de marier l’industrie au travail agricole.

« Quant à moi, écrit-il à la Convention à propos des ateliers de charité, je ne pense pas qu’il soit convenable de rejeter exclusivement les manufactures dans les villes ; à la bonne heure pour celles d’industrie perfectionnée et où les arts du goût dominent ; mais il n’en est pas de même des autres.

« 1o Il est peut-être contraire aux principes de l’égalité de vouloir conserver entre les villes et les campagnes cette différence de travaux qui met toute l’industrie, les arts, les lumières d’un côté, et réduit l’autre aux simples travaux de la glèbe ;

« 2o Il est contraire à la nature du commerce d’opposer, même indirectement, des obstacles à ce qu’il établisse ses ateliers partout où il trouve profit à le faire ;

« 3o Le matériel des manufactures est l’emploi des matières premières, elles ne s’y emploient pas sans déchet. Employer ces matières sur les lieux, épargner des frais de transport, c’est une économie.

« Ajoutez-y celle de la main-d’œuvre qui, à raison de la seule différence des mœurs et des besoins de la vie journalière, sera toujours moins coûteuse dans les campagnes.

« L’économie est la base de la prospérité des manufactures puisqu’elle règle le prix des marchandises, et décide du sort de la concurrence avec les fabriques étrangères. Je crois donc qu’il faut consulter les localités pour y déterminer tel ou tel genre de travaux et que les campagnes sont très propres pour la préparation des matières… Les villages où les filatures de laine, de coton, où leur emploi en draps, toiles, où la fabrique des rubans, etc., se sont introduits, sont