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s’étaient réunis à Lyon. Ces contre-révolutionnaires étaient enhardis dans leurs projets par un grand nombre d’opulents qui, comme dans la plupart des grandes villes frontières, sont égoïstes et insouciants pour la chose publique. Enfin la contre-révolution était prête à éclater à Lyon. Depuis le 10 août, tout a changé de face dans cette ville, mais l’inertie des manufactures et le défaut de travail y causent une fermentation dangereuse ; 30.000 ouvriers sont journellement privés de travail et de pain ; les mauvais citoyens profitent de leur position pour les égarer et le faire servir à leurs manœuvres odieuses ; cependant les artistes, les ouvriers ont un excellent esprit. Les classes les moins aisées sont celles où se trouve le plus pur patriotisme. » Dans la lutte des partis qui s’annonçait déjà à Lyon, sombre et âpre, les commissaires de la Convention cherchent à tenir une voie moyenne. Vitet avait déjà dénoncé violemment à la Convention ceux qu’il appelle ici, avec ses collègues, de « mauvais citoyens », c’est-à-dire les démocrates ardents qui animaient la passion du peuple en détresse. « Tous ces maux, avait dit Vitet le 28 octobre, sont l’ouvrage des commissaires soi-disant envoyés par la Commune de Paris ; ils ont jeté parmi les citoyens des soupçons et des défiances. »

Mais une fois à Lyon, il fallait bien reconnaître que la contre-révolution y avait la première jeté le trouble et que les souffrances des ouvriers étaient la cause principale de l’agitation. Le fanatisme catholique, habile à exploiter la misère du peuple, cherchait à surexciter la crise. Les commissaires, dans cette même lutte du 14 novembre, signalent le péril : « Les prêtres réfractaires cherchent encore à rallumer les torches du fanatisme. Une pétition colportée par des femmes, connues à Lyon sous le nom de coureuses de nuit, annonçait que la Convention nationale voulait abolir la religion ; que déjà les cérémonies du culte étaient détruites, puisqu’on enlevait les cloches des églises. On a remarqué que ces furibondes avaient à leur tête des femmes publiques qui jouaient le rôle de dévotes. » C’était une vaste et trouble fermentation ; pour maintenir à Lyon la paix révolutionnaire, il aurait fallu remettre en mouvement tous les métiers. Les commissaires l’espéraient : « Ils s’occupent des moyens de donner du travail aux bras qui en manquent ; ils espèrent qu’avant leur départ de cette ville ils parviendront à ce but. » Il ne semble pas qu’ils y soient parvenus.

Le 21 novembre, le citoyen Nivère Chol, officier municipal, chargé des fonctions de procureur de la Commune, constate l’échec des conférences tenues avec les fabricants : « Citoyens, dit-il à ses collègues réunis en l’hôtel commun de la ville de Lyon, au milieu des pénibles travaux d’une administration orageuse, votre sollicitude n’a point cessé de se porter sur les malheureux ouvriers en soie de la ville de Lyon. Vous avez appelé des conseils avec lesquels vous avez recherché les moyens de secourir cette nombreuse partie des citoyens que la cessation de leurs travaux a réduits à l’indigence. Les conférences que vous avez eues avec les principaux chefs de fabriques d’é-