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octobre, menacé de la disette : des cargaisons de blé à destination de Rouen avaient été arrêtées par le Havre et j’incline à croire que si la grande ville normande souffrait d’une insuffisance de blé, c’est qu’elle était prise entre les vastes achats de Paris et les vastes achats qui se faisaient dans les ports pour le compte de la marine.

Mais à Rouen il s’agissait uniquement d’un défaut d’approvisionnement en grains et de la cherté qui en était la suite, nullement d’une crise industrielle et du chômage. « Des dépêches, écrit Roland à la Convention le 25 septembre, m’apprennent l’état inquiétant où la ville de Rouen se trouve maintenant par rapport aux subsistances. Les achats qu’elle a faits dans l’étranger ne lui seront fournis que dans le courant du mois prochain. Indépendamment des 12.000 quintaux que j’ai déjà accordés à cette ville, j’avais autorisé les commissaires à prendre pour elle 4.500 quintaux qui sont au Havre ainsi que le chargement d’un navire qui doit y arriver en ce moment. Ces 4.500 quintaux sont arrêtés au Havre sous prétexte qu’on y manque du nécessaire. En conséquence, Rouen est réduit à la plus grande détresse il n’a pas de subsistances pour trois jours. Ses administrateurs demandent que, pour les besoins impérieux du moment, les magasins militaires viennent à leur secours ; ils remplaceront à mesure que leur arrivera ce qu’ils attendent du dehors. » Comme on voit, il n’y avait pas là la moindre crise économique et des mesures administratives suffisaient à remédier au mal. Ou tout au plus fallait-il recourir à un emprunt forcé sur les riches pour mettre la commune de Rouen en état de payer les achats faits par elle à l’étranger. C’est dans ce sens que le Conseil général de la ville de Rouen insista, par une lettre lue le 8 octobre, auprès de la Convention.

« La commune n’a aucuns fonds disponibles pour l’acquit de ces achats. Le Conseil général, persuadé qu’on ne doit recourir au trésor public qu’après avoir épuisé toutes les ressources particulières, a proposé de lever sur la ville de Rouen une somme d’un million en forme d’emprunt pour servir au payement des grains achetés à l’étranger.

« Il a cru que cet emprunt n’était fait qu’en faveur de la classe indigente du peuple, il ne devait porter que sur ceux des citoyens dont le prix de location des maisons qu’ils occupent étant au-dessus de 500 livres par an indique une fortune qui les met en état d’y coopérer.

« Ce plan qui seul peut préserver la ville de Rouen des malheurs qui la menacent, qui seul peut vous garantir la sûreté des subsistances de l’armée déposées en partie dans cette ville, qui seul enfin peut assurer les subsistances de Paris dont la majeure partie passe nécessairement par Rouen, est consenti par les sections, adopté par les Conseils généraux de district et de département.

« Ce plan fera murmurer sans doute quelques capitalistes, plus attachés à leur coffre-fort qu’à la chose publique, et malheureusement le nombre en est